Inquiets devant le développement des révolutions arabes, l’impérialisme américain et ses alliés du G8 tentent de garder l’initiative en distribuant dollars et discours démagogiques, une offensive pour préserver leur domination... Le 19 mai, avant la réunion du G8 et sa tournée en Europe, Obama a tenu un discours définissant la politique des USA vis-à-vis du Moyen-Orient et du monde arabe. Justifiant au passage l’exécution sommaire de Ben Laden, « un meurtrier de masse [...] qui rejetait la démocratie et les droits individuels pour les musulmans au profit d’un extrémisme violent », il n’a pas craint de faire l’éloge du courage des peuples qui ont renversé… ses anciens amis dictateurs pour conquérir la démocratie.
Déjà, peu de temps après son élection, dans son allocution du 5 juin 2009, au Caire, il avait plaidé pour « un nouveau départ entre les musulmans et les États-Unis » espérant ainsi rompre avec la haine qu’avait suscitée la politique de Bush. Son éloge de la « transition vers la démocratie » vise aussi à redonner un peu de popularité à la politique des USA tout en lui permettant de contrôler les bouleversements en cours au seul profit des multinationales. Les quelque 75 milliards de dollars qui seront distribués par le biais du G8 et du FMI obéissent au même but sur le terrain économique.
Mais pour qu’une telle politique puisse espérer donner le change à l’opinion du monde arabe solidaire des Palestiniens, hostile aux USA et surtout à son allié Israël, encore fallait-il qu’Obama prenne quelque distance vis-à-vis de ce dernier tout en ouvrant une porte aux Palestiniens. « Le rêve d’un État juif, démocratique, est irréalisable dans le contexte d’une occupation permanente. [...] Nous pensons que les frontières d’Israël et de la Palestine doivent se baser sur les lignes de démarcation de 1967 dans le cadre d’échanges mutuellement agréés, de façon à ce que des frontières sûres et reconnues soient établies pour les deux États », a déclaré Obama sans oublier de rappeler son engagement inébranlable envers la sécurité d’Israël.
Il a rapidement tenu à lever les illusions qu’auraient pu entretenir ces phrases lors d’un second discours, prononcé le 23 mai, devant des représentants de la communauté juive des États-Unis. Pour lui, prendre pour base de négociation « les lignes de 1967 avec des échanges de territoires négociés » signifiait que la frontière à venir entre les deux États serait… « différente de 1967 et prendrait en compte 44 ans de changements », ainsi que les exigences de sécurité d’Israël. Les Palestiniens doivent prendre en compte « les nouvelles réalités », en particulier accepter les colonies israéliennes et reconnaître Israël comme « État juif ». La reconnaissance de l’État d’Israël comme État religieux, théocratique, est contraire à toute politique démocratique, elle est discriminatoire à l’égard des non-juifs du pays, soit plus de 20 % de la population.
Israël a repoussé ces propositions d’Obama, mais qu’importe, pour ne pas déplaire à son allié, ce dernier s’est quand même fermement opposé à ce que Mahmoud Abbas soumette, en septembre, au vote de l’ONU, par l’intermédiaire de la Ligue arabe, la reconnaissance d’un État palestinien dans les frontières de 1967. Même ce geste qui n’obligerait en rien Israël, Obama n’en veut pas. C’est dire la sincérité de ses propos sur la démocratie et la paix, poudre aux yeux et démagogie pour tenter de contenir la révolte des peuples. Double jeu qui souligne à quel point la démocratie comme la paix ne pourront être l’œuvre que de l’intervention des peuples, d’un approfondissement des révolutions en cours.
Yvan Lemaitre