Samedi dernier, il y a eu des mobilisations dans plus de 20 villes de l’État espagnol sous le slogan « Pas en notre nom »...
À Madrid, la plus nombreuse a regroupé plus de 7 000 personnes pour affirmer trois choses. D’abord, le refus du terrorisme, du fanatisme djihadiste, du néofascisme de Daesh. Ensuite, le rejet de la guerre, des bombardements en Syrie et dans tout le Proche-Orient de la part des puissances impérialistes et de l’Otan. Enfin, l’opposition aux nouvelles coupes et restrictions des libertés au nom de la sécurité. C’était aussi une affirmation de la résistance sociale et populaire face au développement d’une vague islamophobe visant l’ensemble de la population musulmane.
L’objectif de ces mobilisations était de commencer à construire le mouvement antiguerre à partir de l’idée « pas en notre nom, vos guerres, le terrorisme et la restriction des droits ». Les rassemblements ont aussi voulu rendre visible la communauté musulmane, principale victime du fanatisme djihadiste et montrer une solidarité active face au drame des réfugiéEs. Les appels ont été diversement suivis, ce qui révèle la difficulté à articuler un nouveau mouvement antiguerre dans un contexte d’évidente offensive idéologique et guerrière des élites. Il s’agissait, en tout cas, d’ouvrir la voie pour avancer vers une nouvelle et indispensable phase du mouvement antiguerre dans l’État espagnol.
La diffusion du manifeste « pas en notre nom » à l’initiative d’artistes, militants sociaux et maires de plusieurs villes, a été un point de départ pour mettre un frein au discours hégémonique distillé depuis les terribles attentats de Paris. En premier lieu, il s’agissait de faire entendre un discours alternatif qui parle à de larges couches de la population. Une initiative capable d’engendrer un contre-consensus social alternatif à celui que les grands partis et médias servent ces dernières semaines. Cependant, il sera très difficile de recréer l’énorme mouvement antiguerre déclenché par l’invasion de l’Irak en 2003. La progression idéologique de l’extrême droite se fait aussi sentir dans l’État espagnol. Le discours de la haine, militariste et sécuritaire, prend de l’ampleur, nourri par les bombes et la terreur.
Construire une opposition à leurs guerres
En tout cas, le sentiment antiguerre demeure présent dans la société espagnole. Une enquête du journal El Mundo montrait il y a quelques jours que 54 % de la population est opposée à la participation de l’Espagne à la coalition internationale menée par Hollande. Le sentiment antiguerre s’exprime clairement dans le pays ces dix dernières années, comme ce fut le cas après les attentats du 11 mars 2004. Après ceux-ci, la maturité de la société espagnole s’est manifestée par l’absence de discours vengeurs ou dans le refus de mesures extraordinaires prétendument sécuritaires aux dépens des droits et des libertés civiles. De fait, l’immense impulsion du mouvement antiguerre a tellement conditionné la réponse à ces attentats qu’elle a entraîné la défaite du Parti populaire et a forcé le nouveau gouvernement de Zapatero à retirer ses troupes d’Irak.
Aujourd’hui, cette réponse pacifique et ce mouvement demeurent dans la mémoire collective. Dans les semaines qui viennent, une fois les élections législatives passées, on verra quel sera le degré de collaboration du gouvernement espagnol dans la coalition internationale. Et ce sera donc l’occasion pour le mouvement antiguerre de faire face à des enjeux et défis de taille dans l’organisation de l’opposition sociale à leurs guerres, mais aussi à la terreur arbitraire et aux coupes budgétaires liberticides.
De Madrid, Joseba Fernández(Traduit par Monica Casanova)