Publié le Samedi 3 octobre 2015 à 11h01.

Pays basque : un contexte répressif inchangé

Les droits des prisonnierEs politiques basques (presos) continuent d’être bafoués. La demande de libération conditionnelle de Lorentxa Beyrie a été rejetée. Alberto Plazaola, réfugié en Iparralde, est demandé par l’Audiencia Nacional. Et l’arrestation de quatre membres présumés de l’ETA à Baigorri la semaine dernière montre la détermination répressive des gouvernements espagnol et français.

 

Pas un geste envers les presos

Emprisonnée depuis 14 ans pour appartenance à l’ETA, Lorentxa Beyrie avait déposé sa demande de libération conditionnelle en février de cette année, pour la deuxième fois. Son projet de réinsertion, qui accompagnait la demande, était complet et solide. Pourtant, le 2 septembre, le tribunal d’application des peines de Paris a rendu un jugement négatif. L’un des arguments avancés est qu’elle n’aurait pas renoncé à être une militante ! Lorentxa fait appel.

Alberto Plazaola avait accompli la totalité de sa peine (24 années) et avait pu quitter fin 2014 la prison espagnole où il était incarcéré. Mais peu de temps après, le Tribunal Suprême espagnol - ignorant la directive européenne concernant la confusion des peines - a décrété que le temps de prison accompli en France ne pouvait être décompté de la peine en Espagne et qu’il devait donc revenir en prison pour six ans. Alberto Plazaola a alors fui le territoire espagnol et s’est réfugié à Ciboure. Il a été arrêté par la police française le 7 septembre suite à un Mandat d’Arrêt Européen qui s’avère inadapté à son cas. La cour d’appel de Pau doit décider. Une situation compliquée mais qui montre que pour la « justice » espagnole, toute libération peut être rapidement remise en question.

La politique de répression aveugle de la part des deux Etats envers les presos continue.

 

Nouvelle opération policière à St Etienne-de-Baïgorry

Elle a eu lieu le 22 septembre dernier, menée de concert par la Guardia Civil et la DGSI (Direction générale de la Sécurité Intérieure). Deux des quatre personnes arrêtées seraient membres de la direction de l’ETA, et ce sont elles qui auraient annoncé l’arrêt définitif de la lutte armée fin 2011. Un rassemblement a immédiatement eu lieu sur place sous la banderole « Non à la répression ! Oui à la résolution ! ». Une manifestation est appelée le 3 octobre à Saint Sébastien par EH Bildu et EH Bai avec pour slogan « Bakea erabakia » (« Le choix de la Paix »). Comme l’a déclaré Alberto Spektorowski, membre du Groupe International de Contact, ces arrestations représentent un obstacle au processus de paix. De fait, elles montrent bien le refus de dialogue de la part des deux Etats et la poursuite du « tout répressif ».

 

Déclarations de ministres…

Le 2 septembre, Christiane Taubira, ministre de la Justice, annonçait être prête à étudier les demandes de rapprochement vers des prisons proches du Pays basque, au cas par cas. Mais on n’en reste pour le moment qu’au niveau des paroles. Et de plus il ne s’agit pas d’une mesure de rapprochement pour l’ensemble des presos, mesure qui elle représenterait un geste significatif. Il faut remarquer que cette annonce se produit alors que des rencontres entre le cabinet de la garde des Sceaux et une délégation représentant la gauche abertzale et les collectifs de défense des presos ont eu lieu, rencontres dont les médias se sont fait l’écho, en particulier les médias espagnols.

De son côté, Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, déclarait à la fin de sa visite au Pays Basque à la fin de l’été que l’ETA devait déclarer que toutes les armes seront restituées. Il paraît ou fait semblant d’ignorer que l’ETA a affirmé sa volonté de le faire à plusieurs reprises. Mais pour cela, il faut des interlocuteurs… ce que se refusent à être les États espagnol et français à ce jour. Cependant, Cazeneuve a ajouté : « les rencontres qui permettent le désarmement sont toujours utiles », phrase qui a pu être considérée comme une ouverture vers des discussions à venir. Mais ce n’est qu’une interprétation, mise à mal par une autre déclaration du même Cazeneuve après l’opération de Baigorri se félicitant « d’une coopération extrêmement étroite entre les services de police de nos deux pays », coopération « qui doit se poursuivre sans trêve ni pause ».

Des ministres pas gênés par ces contradictions ! Décidément, leurs paroles ne comptent guère. Ce qu’il faut, c’est construire le rapport de forces qui leur imposera d’avancer vers la résolution du conflit… dans les faits.

 

Poursuivre et intensifier la mobilisation

C’est ainsi que l’on pourra obtenir des avancées sur la question des presos comme sur la question générale du processus de paix, qui en dépend directement.

Samedi 19 septembre, le collectif Bagoaz organisait un atelier citoyen sur le thème « Comment en finir avec la dispersion ». Il s’agissait de réfléchir et débattre sur la question de la dispersion, d’étudier les objectifs et les moyens d’une campagne large en faveur du rapprochement du Pays Basque des presos et de leur regroupement. La volonté est d’élargir et développer la mobilisation. Une nouvelle étape dans la lutte pour le respect de leurs droits est en cours. Plus que jamais nécessaire aujourd’hui !

CorrespondantEs