Publié le Lundi 11 avril 2016 à 17h18.

Pologne : « Gardez vos rosaires loin de mes ovaires ! »

Comme en Espagne il y a trois ans, le gouvernement ultraconservateur de Pologne, à la demande de l’Eglise catholique et des associations « pro-vie », veut interdire l’IVG.

Depuis 1956, l’IVG était libre d’accès en Pologne, la loi autorisant les médecins à pratiquer l’avortement « en raison des conditions de vie difficiles de la femme enceinte ». En 1993, après la chute du régime stalinien et sous la pression du pape Jean Paul II, la loi a été changée, l’IVG n’étant plus autorisé que dans trois cas : risque pour la vie et la santé de la mère, grave pathologie irréversible chez l’embryon, grossesse résultant d’un viol ou d’un inceste. Cette loi, une des plus restrictives d’Europe, était le résultat d’un accord entre l’Eglise et l’Etat sans que les femmes aient été consultées. Néanmoins, aucune force politique, ni celles en faveur d’un durcissement, ni celles en faveur d’une libéralisation, n’avaient osé demander sa modification.

Un projet de loi déposé récemment par plusieurs associations qui défendent le soi-disant « droit à la vie » et soutenu par l’Eglise catholique veut supprimer les trois cas dans lesquels l’IVG est autorisé.  Le projet bénéficie du soutien du chef du parti Droit et Justice (PiS, au pouvoir), Jaroslaw Kaczynski et la de première ministre Beata Szydlo,  qui veulent utiliser leur majorité absolue au Parlement pour le faire passer.

La réaction des Polonaises ne s’est pas fait attendre.

L’Episcopat avait décidé de faire lire lors des messes un communiqué de soutien à la loi. Dans plusieurs églises, au moment de la lecture du communiqué, des femmes se sont levées et sont sorties en criant « Honte à vous ! ». Le 3 avril, des milliers de personnes se sont rassemblées devant le parlement à Varsovie pour affirmer leur opposition.

Le 9 avril, à Varsovie et dans 18 autres villes de Pologne, les femmes ont battu le pavé pour dire leur refus de cette loi. Elles ont reçu le soutien de femmes d’autres villes d’Europe, dont Paris, où un rassemblement s’est tenu le 10 avril devant l’ambassade de Pologne.

Comme c’est déjà arrivé en Espagne, cette affaire risque de mettre la majorité conservatrice en difficulté : un sondage montre que seuls 23 % des Polonais soutiennent l’interdiction totale de l’IVG et que 51 % sont pour une libéralisation.

Selon les estimations des organisations féministes polonaises, il y a chaque année  entre 100 000 et 150 000 Polonaises qui avortent, soit en Pologne soit à l’étranger. L’adoption de cette loi n’empêcherait pas les IVG mais mettrait en danger la santé et la vie des femmes pauvres, obligées d’avorter dans la clandestinité.

L’extrême droite ne supporte pas que les femmes aient le droit à disposer de leurs corps. Le droit à l’IVG devient ainsi une de ses cibles, comme le montrent les déclarations de Marine Le Pen sur « l’IVG de confort ».

Le 1er février 2014, des milliers de femmes avaient manifesté à Paris en solidarité avec les femmes d’Espagne. Les Polonaises ne méritent pas moins. Le moment est venu, comme il y a deux ans, pour que le mouvement féministe français s’unisse afin d’exprimer sa solidarité en criant haut et fort : « Ni curé, ni rabbin, ni imam : mon corps m’appartient ».

Virginia de la Siega