Pendant cinq ans, le gouvernement de David Cameron a mené une politique d’austérité extrêmement dure, qui a frappé tout le monde sauf les très riches, et Cameron promet encore plus de coupes budgétaires. Comment se fait-il, que non seulement son parti n’ait pas été balayé mais qu’il en ressorte renforcé, avec une majorité absolue ?
Comme nous l’avons déjà écrit (l’Anticapitaliste n°287), la raison de fond est que le Parti travailliste s’est complètement droitisé, par exemple en promettant une réduction rigoureuse de la dette avec des mesures d’austérité, et en courant après la droite et l’extrême droite avec sa demande de contrôles plus stricts de l’immigration.Certains dirigeants travaillistes attribue leur échec à une campagne « trop à gauche », il faudrait « recentrer » le parti ! Pourtant les résultats en Écosse démolissent ce raisonnement : le Parti national écossais (SNP) a raflé 56 des 59 sièges (un gain de 50 sièges depuis 2010), avec une campagne clairement contre l’austérité, la guerre et les dépenses sur les missiles nucléaires, et pour un développement massif des services publics, dont l’éducation et la santé.A une plus petite échelle, le parti des Verts a démontré la même chose en gagnant un million de voix (3,8 %) par une campagne de gauche, anti-austérité, anti-guerre et anti-raciste, même si le système électoral ne lui permet de gagner qu’un seul siège (sur 650 !).
Sortie de l’Union européenne ?A part la percée spectaculaire du SNP, l’autre grande nouveauté de ces dernières années a été le développement (et l’impact sur les autres partis) d’un parti europhobe et raciste, l’UKIP avec 25 % aux dernières élections européennes. Il obtient 12,6 % et seulement un siège. Une partie de son électorat a sans doute préféré voter « utile » pour les conservateurs qui avaient repris une partie de leur programme.Les travaillistes qui ont perdu une partie de leur électorat pour UKIP ont cédé devant son discours raciste au lieu de le combattre. Quant au Parti conservateur, il a depuis longtemps une aile raciste et europhobe et après la défection de deux députés vers l’UKIP, Cameron a fait aussi des concessions, notamment en promettant un référendum en 2017 sur l’appartenance à l’UE.Pour une majorité du grand patronat, ce référendum, tout comme celui sur l’Écosse, pourrait être une affaire extrêmement risquée, surtout avec un parti conservateur divisé sur la question et dont le gouvernement a une petite majorité. Le grand capital britannique a tout intérêt à rester dans l’UE, et beaucoup d’entreprises originaires de pays non communautaires, comme les USA ou le Japon, qui s’implantent en Grande Bretagne pour avoir accès au marché européen, pourraient remettre en cause cet investissement en cas de sortie de l'UE.
Organiser la résistanceTirant une légitimité de leur succès, Cameron et son gouvernement vont poursuivre leurs attaques, avec notamment une nouvelle réduction de 12 milliards de livres (15 milliards d’euros) dans les différentes allocations sociales. En même temps, les ripostes ne tarderont pas à venir, même si nous ne savons ni où ni avec quelle ampleur.Malgré le discours très radical du SNP ou des Verts, une fois au pouvoir, leur pratique ne dépasse pas une gestion social-démocrate du système. Mais quelle sera la réaction de leurs électeurs ou la réaction des syndiqués qui ont écouté les conseils de leurs dirigeants d’attendre l’élection d’un gouvernement travailliste ?Enfin, les 135 candidatEs de la Coalition syndicale et socialiste (TUSC) ont mené des campagnes très dynamique,s même si le système électoral les a en partie empêchés la plupart du temps de dépasser 1 %, malgré quelques pointes à 3 et 4 %. C’est le plus grand nombre de candidatEs que la gauche anticapitaliste a réussi à présenter depuis longtemps. C’est sans doute de la capacité de ces forces à nouer des liens avec tous les déçus du travaillisme pour organiser ensemble la résistance qu’une vraie alternative anticapitaliste pourra émerger.
Ross Harrold