Publié le Samedi 10 mars 2012 à 22h32.

Sénégal : « Tout sauf Wade ! »

C’est certain, il y aura bien un second tour pour les élections présidentielles du Sénégal. Abdoulaye Wade était persuadé de gagner au premier tour, convaincu qu’il était aussi populaire qu’en 2007 lors de sa seconde candidature.

En tentant de placer coûte que coûte son fils Karim à la tête du pays, Wade, qui a conduit le Sénégal à l’alternance démocratique en 2000, est devenu l’homme à abattre aussi bien pour l’opposition classique au parti libéral de Wade (les partis de gauche) que pour ses anciens alliés devenus opposants (Macky Sall, Idrissa Seck et Cheikh Tidiane Gadio). La tentative de dévolution monarchique de Wade a été vivement combattue par l’opposition et la jeunesse sénégalaise lors des manifestations de juin 2011. Le recul de Wade fut un signal fort pour le peuple sénégalais qui a compris que la victoire pouvait s’obtenir dans la rue mais aussi dans les urnes.

Malheureusement, la cacophonie autour d’une candidature unitaire de l’opposition regroupée dans le « Benno Siggil Sénégaal » – « ensemble pour relever le Sénégal » – et le refus du PS de reconnaître la désignation de Moustapha Niasse comme candidat unique de l’opposition, a ouvert un boulevard à Macky Sall, ancien Premier ministre de Wade et seul opposant à avoir véritablement mené campagne. Macky Sall a refusé très tôt la candidature unique de « Benno Siggil Sénégaal », et a pu ainsi commencer sa campagne, allant au devant des Sénégalais. Élevé à la bonne école de Wade le libéro-populiste, Macky a appris que les élections au Sénégal ne se jouent ni sur le programme ni sur la différence idéologique, mais uniquement sur la popularité et la crédibilité. En gardant une ligne claire, il a réussi à convaincre les Sénégalais, dépités par l’incurie d’une partie de l’opposition (qui s’est contentée de manifester à Dakar sans pratiquement faire campagne à l’intérieur du pays).

Les Sénégalais ont donc donné leurs suffrages aux deux seuls candidats qui ont mené campagne. Abdoulaye Wade a obtenu 34,84 % des suffrages exprimés, Macky Sall 26,57 %, tandis qu’Idrissa Seck, l’autre ancien Premier ministre de Wade, n’a eu que 7 % des voix. Le parti de Wade, le PDS, et les partis issus de ses rangs obtiennent donc 68,41 % des voix, pas très loin du score de Wade en 2007. Moustapha Niasse a obtenu 13,2 % des suffrages exprimés, et Tanor Dieng (PS) 11,3 %. Ainsi, la coalition autour de Niasse et celle autour de Tanor Dieng totalisent à elles deux 24,5 % des voix. Avec une candidature unitaire, la gauche sénégalaise aurait peut-être fait jeu égal avec Macky Sall et se serait retrouvée au second tour face à Wade.

La plupart des candidats ont appelé à voter pour Macky Sall et contre Wade qui n’a pratiquement aucune réserve de voix.

Macky Sall remportera très certainement les élections, et deviendra le quatrième président du Sénégal, à moins que les faucons du palais présidentiel ne tentent de confisquer le vote des Sénégalais, ce qui risquerait d’embraser le pays. C’est donc une victoire du peuple sénégalais mais encore une fois un échec de la gauche sénégalaise, devenue une faiseuse de rois libéraux. En portant en 2000 Abdoulaye Wade au pouvoir, la gauche radicale sénégalaise avait voulu chasser le tout-puissant Parti socialiste au pouvoir depuis 40 ans. Aujourd’hui, au nom du « Tout sauf Wade », elle s’aligne derrière son héritier.

Moulzo