Publié le Samedi 12 juin 2010 à 13h34.

Sommet Afrique-France : un de plus, un de trop....

Comme il l’avait annoncé, Sarkozy a tenté de faire de cette grand-messe françafricaine un nouveau symbole de sa prétendue politique de rupture. Mais, derrière les effets d’affichage, la volonté de domination économique et politique reste inchangée. Les débats entre chefs d’Étatsétaient organisés autour de trois questions principales : la place de l’Afrique à l’ONU, le climat et les questions sécuritaires. L’Union africaine réclame la création au conseil de sécurité de deux nouveaux membres permanents et de deux membres non permanents attribués à l’Afrique. La diplomatie française appuie officiellement cette demande mais se contente de promettre des « initiatives » en vue de parvenir à « titre intérimaire » à la création d’un statut de membre « semi-permanent » sans droit de veto. Concernant le réchauffement climatique, la déclaration finale formule le vœu pieux de 100 milliards de dollars que les pays riches devraient verser chaque année, mais à partir de 2020 seulement, et évoque « le principe d’une taxe sur les transactions financières internationales », mais uniquement pour le principe, puisque les seuls mécanismes réellement encouragés relèvent du marché carbone. Enfin, la France a rappelé sa volonté d’être associée à la formation des futurs soldats africains pour « le maintien de la paix », une manière hypocrite de poursuivre sa politique d’influence sur les armées africaines, de promouvoir son matériel et de légitimer le maintien de sa présence militaire. Voici du moins pour les conclusions publiques, puisque l’ensemble de ces débats a été mené à huis clos, de même que les discussions économiques, même les plus anodines en apparence, auxquelles étaient conviées les principaux patrons français et quelques entreprises africaines. Ceci constituait en effet la véritable nouveauté de ce sommet dédié au business. Face à l’accroissement de la concurrence internationale en Afrique, la France entend conserver ses positions dans son pré carré francophone et s’implanter plus fortement dans le reste du continent, qui n’est considéré que comme un gigantesque réservoir de matières premières et un marché de nouveaux consommateurs potentiels. Pour redorer l’image désastreuse des multinationales françaises en Afrique, une charte contre la corruption a été adoptée, qui restera bien entendu purement décorative. Il n’y a eu aucun débat en revanche sur le respect des droits démocratiques et sociaux. Les vraies revendications des populations africaines ont été comme d’habitude soigneusement éludées. Et pour cause : ces sommets comptent toujours bon nombre de dictateurs ou de représentants de régimes autoritaires qui profitent du soutien français. Les grandes envolées sur un « nouveau partenariat », une « nouvelle période » que voudrait impulser la politique africaine de la France relèvent désormais de l’exercice de style obligé. Leur seule traduction symbolique a été de supprimer le traditionnel « dîner des amis » du président français avec les chefs d’États francophones et d’associer des chefs d’États anglophones à la conférence de presse finale. Sarkozy a néanmoins fait passer des messages rassurants à « ses » dictateurs, qu’il retrouvera le 13 juillet à Paris. Leurs armées, dont certaines se sont illustrées encore récemment par des crimes commis avec la complicité de l’armée française, défileront en effet le lendemain avenue des Champs-Élysées. Robin Guébois