Si l’intérêt du Rassemblement national pour l’Afrique est des plus limité, ses quelques prises de position éclairent son positionnement et sa stratégie vis-à-vis du continent.
Il y a deux discours. L’un est en direction de l’Afrique avec des condamnations de la Françafrique, du franc CFA. Cela permet une relative porosité entre l’extrême droite et certaines forces politiques africaines. L’autre est destiné à son électorat. Le continent africain est présenté comme le réservoir de l’immigration et comme une menace de terrorisme islamiste.
Barbouzerie
Marine Le Pen s’appuie sur un réseau présent en Afrique depuis longtemps. Les militants d’extrême droite ont été les farouches partisans du colonialisme luttant jusqu’au bout contre l’indépendance de l’Algérie avec l’OAS. Certains ont été recyclés par Foccart et se sont retrouvés au Congo aux côtés des colonialistes qui tentèrent de créer un État dans la province minière du Katanga. François Duprat est un de ceux-là. Théoricien du nationalisme révolutionnaire et antisémite notoire, il est un des conseillers de Moïse Tshombé, président fantoche du Katanga indépendant de 1960 à 1963. Par la suite, Duprat est, pendant des années, membre du bureau politique du Front national et proche de Jean-Marie Le Pen.
Le mercenaire Bob Denard recrutaient dans les rangs des militants de l’extrême droite pour y créer une sorte de Wagner à la française. Ils renversent le gouvernement des Comores et y font régner la terreur. Certains de ces mercenaires constituent le Département Protection Sécurité (DPS), service d’ordre du FN.
Les voyages de Jean-Marie Le Pen en Afrique
Même si en 2015 Jean-Marie Le Pen, alors député européen du FN, et sa fille la présidente, déclaraient que l’apartheid « était au départ une volonté de promotion des deux communautés. On peut juger cela plus ou moins sévèrement mais on ne peut pas trahir la pensée de ceux qui l'avaient élaborée1 ». Cela ne l’a pas empêché de rencontrer quelques piliers de la Françafrique.
Le Pen a utilisé la présence des anciens de l’OAS en Afrique pour rencontrer des présidents africains. En 1987, il se rend au Gabon saluer Omar Bongo. Plus tard sa femme Jany Le Pen rend visite à la première dame du Cameroun, Chantal Biya, qui souligne les convergences de vue avec le mouvement d’extrême droite. En 2016, Le Pen est invité à l’investiture présidentielle du dictateur de Guinée équatoriale, Teodoro Obiang Nguema, après une élection grossièrement truquée avec un score de… 93,7 %.
Avec ces voyages, l’extrême droite crédibilise et conforte son assise. L’autre avantage serait financier. Le témoignage de Robert Bourgi fait état de financement par Omar Bongo, corroboré par l’ancien Premier ministre gabonais Jean Eyeghe Ndong, qui relate les propos du président du Gabon : « ce Monsieur, pourtant il est raciste mais il n'empêche que je lui ai fait cette gentillesse des valises d'argent2»
Marine sur les traces de son père
Les voyages en Afrique de Marine Le Pen conforte sa stature internationale. Pour cela, elle bénéficie du réseau de son père qu’elle tente d’étoffer. L’avocat Marcel Ceccaldi, défenseur du fils Kadhafi, lui a permis de rencontrer le dictateur tchadien Idriss Déby père et de faire un discours à l’Assemblée nationale de ce pays.
Son voyage à Dakar, où elle a rencontré Macky Sall en pleine dérive autoritaire, tient beaucoup à l’action de Philippe Bohn qui a occupé des hautes fonctions dans des grandes entreprises françaises. Proche des Républicains, il s’est désormais mis au service du Rassemblement national.
Elle pouvait aussi s’appuyer sur Gilbert Collard, avocat lui aussi, qui est passé chez Reconquête. Il a assuré la défense des dirigeants de l’association l’Arche de Zoé qui ont tenté au Tchad de kidnapper plusieurs dizaines d’enfants pour les faire adopter par des familles françaises.
Un discours pour l’Afrique
Les relations qu’elle noue avec les potentats africains passés et actuels n’empêchent nullement Marine Le Pen de jouer les pourfendeuses de la Françafrique et de la défense de la souveraineté des pays africains, se basant sur une idéologie ethno-différentialiste. Cette idée, développée par la nouvelle droite, est que chaque territoire se doit d’être dédié à une ethnie évitant ainsi les mélanges. Cette idéologie est le point commun de tous les identitaires. Elle rencontre l’assentiment de certains mouvements « patriotes » existant en Afrique de l’Ouest ou « néo-panafricanistes » dont la plupart sont à la solde de Poutine.
Un autre pour son électorat
Quant au discours en France, la politique africaine du Rassemblement national est abordée avant tout sous le prisme de l’immigration. Les pays qui refuseraient d’admettre leurs « ressortissants indésirables » expulsés de France se verraient sanctionnés. Suppression des visas, des possibilités de transfert d’argent et des aides au développement. Cette dernière serait de toute manière réduite et ne devrait bénéficier qu’aux entreprises françaises. Marine Le Pen se prononce évidemment contre les « discours de repentance » puisqu’elle défend les aspects positifs de la colonisation.
La politique du Rassemblement national se résume à trouver des alliés en Afrique et à discriminer les Africains en France.
Paul Martial