ONU, pays occidentaux et monarchies pétrolières ne ménagent pas leurs efforts diplomatiques pour la mise en place, au Soudan, d’un gouvernement composé de civils et de militaires. Ils vont à l’encontre de la volonté de la population qui continue de clamer dans les rues le slogan « Ni négociations, ni partenariat, ni compromis » avec l’armée.
Depuis le 25 octobre, date du putsch, les manifestations continuent. Le coup d’État a été organisé par le général Abdel Fattah al-Burhan et Mohamed Hamdan Dogolo alias Hemidti, le responsable du groupe paramilitaire des Rapid Support Forces (RSF). L’armée poursuit ses opérations de répression. Lors de la manifestation du lundi 17 janvier, sept manifestants ont été fauchés par les balles. Plus de 70 personnes ont été assassinées et on dénombre au bas mot un millier de blessés depuis le coup de force. Désormais les soldats paradent avec des armes lourdes, mitrailleuses et batteries anti-aériennes, dans les rues de Khartoum.
Une main tendue aux militaires
Si les principales capitales occidentales condamnent la violence des putschistes contre la population, elles leur offrent une bouée de sauvetage. Volker Perthes, diplomate allemand, ancien émissaire onusien pour la Syrie, avec le succès que l’on connaît, est l’envoyé spécial d’Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies. Il tente une médiation entre la junte et les organisations populaires.
On se souvient de la manœuvre du général Burhan consistant à remettre en place le Premier ministre Abdallah Hamdok, qu’il avait renversé quelques semaines auparavant en imposant un nouvel accord particulièrement favorable à l’armée. Le diplomate onusien a vu dans cet accord « un pas vers un dialogue global et un retour à l’ordre constitutionnel ». Il était bien le seul, puisque même Hamdok démissionnait au bout d’une quarantaine de jours. Perthes considère que « Les dirigeants militaires et politiques du Soudan devront avant tout rétablir la confiance avec leur propre public national, en particulier avec la jeune génération »1, mettant ainsi sur un pied d’égalité militaires et organisations populaires, autrement dit assassins et victimes. Le but du diplomate onusien est d’ouvrir un dialogue indirect. Les militaires ont saisi cette opportunité car leur but est d’installer un gouvernement civil fantoche derrière lequel ils continueront d’exercer la plénitude du pouvoir. Car rester au pouvoir, c’est poursuivre le pillage du pays en toute impunité.
« Amis du Soudan » ou amis de la junte ?
Aujourd’hui la structure informelle « les Amis du Soudan » qui regroupe USA, Union européenne, Émirats arabes unis et Arabie saoudite ont apporté leur soutien au plan de Volker Perthes qui vise in fine à pérenniser l’armée comme acteur du pays. C’est précisément ce que ne veulent plus les populations mobilisées qui risquent quotidiennement leur vie.
Les « Amis du Soudan » sont ceux qui ont étranglé financièrement le pays, en exigeant du gouvernement de transition de Hamdok le remboursement des dettes contractées par la dictature des Frères musulmans et d’Omar al-Bachir. Cela a facilité le travail des généraux qui ont pu surfer quelque temps sur le mécontentement profond de la population pour tenter de justifier leur coup de force.
Autre preuve « d’amitié », la France, avec ses autres partenaires européens, a aidé financièrement les Rapid Support Forces (RSF) qui ne sont que l’avatar des milices janjawid accusées de crime contre l’humanité au Darfour. Ces mêmes RSF qui sont en première ligne dans la répression contre les populations qui manifestent.
Ainsi, de 2016 à 2017, près de 160 millions d’euros ont été versés au Soudan par l’Union européenne pour lutter contre l’émigration. Omar al-Bachir a confié la garde des frontières aux RSF. D’après le rapport du think tank néerlandais Clingendael2 une partie des sommes a financé cette milice criminelle, lui permettant de mieux s’équiper. Le rapport indique que les RSF arrêtent les migrantEs et la plupart sont vendus aux milices libyennes. Ils et elles sont réduits en esclavage ou sont détenus comme otages. Lorsque leurs familles ont des difficultés à payer les rançons, ils sont torturés.
Notre solidarité en France doit se renforcer. Être au côté des peuples soudanais, c’est exiger que le gouvernement français cesse de soutenir la médiation de l’ONU qui va à l’encontre de la volonté populaire. C’est aussi exiger l’envoi de matériel médical directement dans les hôpitaux pour soigner les nombreux blessés victimes de la violence de la junte.
- 1. https://unitams.unmissio…
- 2. Clingendael, « Multilateral Damage : The impact of EU migration policies on central Saharan routes », 2018.