Depuis février 2019, l’Algérie connait un véritable processus révolutionnaire. Des millions de personnes de toutes catégories sociales sont descendus dans la rue pour exiger le changement du régime. Certes nous assistons à un mouvement populaire, c’est -à-dire interclassiste, les masses paupérisées représentent le lot le plus important, les plus mobilisés et le plus radical. Les mots d’ordre et les chants lors des grandes marches du peuple en lutte expriment amplement ce désir profond de mettre un terme au « Bouteflikisme », symbole d’autoritarisme, de mépris, de HOGRA et de prédation. Il exprime aussi cette volonté d’en finir avec ce long processus de remise en cause de la souveraineté populaire, du système des privilèges et de soumission à l’impérialisme.
De la question démocratique
Les forces sociales et politiques qui animent le mouvement populaire depuis février 2019 parlent d’objectifs de la révolution en cours, proposent des feuilles de route et des solutions politiques à court terme, sans pour autant répondre favorablement et clairement, aux aspirations démocratiques et sociales du peuple d’en bas. Des réponses en mesure de satisfaire concrètement l’ensemble des frustrations sociales d’un peuple paupérisé par les politiques libérales et bureaucratiques de ce régime depuis notre indépendance nationale.
La question de la démocratie radicale et de la souveraineté populaire demeure la revendication principale des masses en lutte qui veulent se réapproprier le destin national. Des hommes et des femmes qui veulent construire une véritable démocratie populaire dans leur pays où ils seront associés réellement à toutes les décisions politiques qui les concernent de près ou de « loin ». Construire une démocratie où la décision n’est pas l’apanage « d’experts », de bureaucrates ou des « professionnels » de la politique. Une démocratie où le peuple a le droit de révoquer ses éluEs et le droit de contrôle sur toutes les institutions de la république y compris sécuritaire. La véritable citoyenneté exige que la démocratie ne s’arrête pas devant les portes des usines, des administrations et des universités. Le peuple a le droit de regard et de contrôle sur les entreprises et les institutions de formation, les salariéEs ont le droit de s’organiser comme ils le souhaitent, y compris dans le secteur privé qui refuse à ce jour qu’ils s’organisent. La démocratie ne doit pas être un droit formel, mais une pratique à tous les niveaux politiques et secteurs d’activités.
De la question sociale
La question sociale, les conditions de subsistance et de vie des citoyens est aussi au cœur de ce processus révolutionnaire, même si cette question est presque occultée par la majorité des analystes et des médias. Elle a été un signe avant-coureur de ce processus révolutionnaire à travers les différents mouvements sociaux antérieurs au 19 février 2019, notamment les grèves sectorielles, le mouvement du sud du pays (chômeurEs et gaz de schiste ) et le rejet des lois de finances de 2017 et 2019, pour en citer que ces cas-là. Certains acteurs du Hirak commettent une erreur monumentale en opposant la question sociale aux questions démocratiques. En occultant la question sociale, ils tournent le dos à ceux qui ont contesté la nouvelle loi de finances, la loi sur les hydrocarbures et les tentatives de remise en cause de nos retraites. Ils tournent le dos à ces millions de travailleurEs et chômeurEs qui vivent depuis des années dans la précarité la plus totale. Ils tournent le dos à ces millions de sans logis, mal soignés, victimes de la déperdition scolaire, à ces victimes des inégalités spatiales et régionales, à ces millions de personnes victimes du modèle de développement libéral et prédateur. Pourtant, ils sont le fer de lance de ce Hirak populaire. La révolution c’est le changement des rapports socio-économiques dominants, à savoir le modèle libéral, oligarchique et soumis aux appétits prédateurs du marché mondial. Notre révolution doit œuvrer à déraciner les sources politico-économiques de notre sous-développement.
La révolution par qui et pour qui ?
Notre Hirak populaire, comme son nom l’indique, doit s’appuyer essentiellement sur ces forces sociales paupérisées au long de ces 40 dernières années de libéralisme prédateur qui a ruiné notre économie et clochardisé des pans entiers de notre société. Elles représentent les forces les plus saines de notre société car elles ont tout à gagner du changement. Elles sont les forces les plus radicales, car elles n’ont rien à perdre contrairement aux couches parasitaires, soi-disant productrices de richesses. Ces forces précarisées sont plus autonomes par rapport aux intérêts étrangers capitalistes, car leurs intérêts immédiats ne sont pas liés à ceux du capital mondial. La révolution doit se faire au profit des hommes et des femmes d’en bas.