Depuis 1970, 54 ans de règne familial, du père Hafez al-Assad au fils Bachar al-Assad, telle une dynastie féodale : 54 ans de racket mafieux, de pillage, d’emprisonnement de masse et de torture.
Pour les actes de torture institutionnalisée, les viols et les massacres d’une telle ampleur, à Hama en 1982 et dans tout le pays depuis 2011, les auteurs devraient être traînés devant la CPI (Cour pénale internationale) pour crimes de guerres et crimes contre l’humanité.
En 10 jours, et un peu à la surprise générale pour peu que l’on ait observé la situation de loin, le régime syrien vient de s’effondrer comme un château de cartes, pratiquement sans combattre. Le tyran Bachar al-Assad a fui Damas en avion pour une destination inconnue.
Un tyran sans pouvoir
Tout a commencé par une offensive éclair lancée par l’organisation jihadiste Hayat Tahrir al-Cham (HTC) le 27 novembre dernier à partir de la poche d’Idlib, dernier réduit échappant au régime depuis la révolution populaire et la guerre civile de 2011.
Ses parrains russes embourbés en Ukraine et ses soutiens, le Hezbollah et l’Iran, affaiblis par la guerre contre Israël, le pouvoir de Bachar al-Assad — confronté également à une offensive de la coalition kurdo-arabe des FDS (Forces démocratiques syriennes) au nord et des restes de l’Armée syrienne libre à Deraa, ville de naissance de la révolution de 2011 — n’a pas été en mesure d’offrir la moindre résistance.
La destruction du pays et la ruine économique engendrée par la furie vengeresse du régime pour écraser la révolution ont également eu un rôle majeur.
Au fur et à mesure, ce qui n’était au départ qu’une offensive à caractère militaire dirigée par des islamistes s’est transformé en soulèvement populaire : prisons et commissariats pris d’assaut et détruits ; libération de milliers de prisonniers politiques, certains enfermés et disparus depuis 40 ans, notamment dans la terrifiante prison de Saidnaya, un véritable camp d’extermination où 30 000 personnes sont mortes sous la torture depuis 2011 ; démolition des statues des dictateurs ; manifs dans les rues ; incendie de bâtiments officiels.
Affamés, non payés, maltraités, les conscrits de l’Armée syrienne ont également déserté en masse, refusant de continuer à mourir pour rien.
Même la communauté alaouite (10 % de la population), celle de la famille Assad qui avait construit tout son pouvoir de façon clanique en s’appuyant sur elle, n’a pas bougé pour sauvegarder le régime.
Le peuple doit écrire son histoire
Les peuples de Syrie, dans toute leur diversité, plongent désormais dans l’inconnu. Ce serait peu dire qu’aucune confiance politique, vu sa nature et son orientation, ne peut être accordée au HTC pour respecter la parole donnée depuis 10 jours d’inclure tous les SyrienNEs dans un processus démocratique et respectueux de leurs identités. Le pragmatisme mis en avant pour faire tomber Assad cédera vite la place à la realpolitik, aux luttes de pouvoir et aux idéologies.
Cela ne signifie pas pour autant que l’histoire soit écrite d’avance. Le pays se retrouve confronté à des défis colossaux : une économie en ruine, une pauvreté extrême, des divisions religieuses et politiques, une culture démocratique et une gauche anéantie par 60 ans de dictature, des ingérences étrangères et impérialistes incessantes.
La question kurde et la lutte de ce peuple pour sa libération sont de première importance, à l’heure où dans le Rojava, l’ANS (Armée nationale syrienne), organisation islamiste proche de la Turquie et rivale du HTC, attaque et bombarde les villes et villages pour mettre fin à leur autonomie acquise de haute lutte.
Netanyahou, de son côté, profite du moment pour détruire l’équipement militaire récupéré d’Assad. Il a déclaré que « le Golan fera partie de l’État d’Israël pour l’éternité ». En violation directe de l’accord de désengagement de l’armée israélienne de 1974, a rappelé l’ONU, bien seule puisque aucune des grandes puissances ne s’oppose aux visées hégémoniques de l’État d’Israël.
Le peuple syrien doit pouvoir décider de son avenir, pour atteindre les buts de la révolution populaire et démocratique de 2011 : justice sociale, liberté et démocratie. Les internationalistes, révolutionnaires et anticapitalistes seront à leurs côtés.
Y. S.