L’attaque aux gaz toxiques du 4 avril, contre la ville de Khan Cheikhoun dans la province d’Idlib, a fait plus de 80 morts dont plus de 25 enfants et plusieurs centaines de blessés graves...
En réaction, la base militaire Shayrat du régime Assad, d’où auraient décollé les appareils responsables de cette attaque, a été la cible de frappes aériennes étatsuniennes. Pour la première fois en six ans...
Attaques chimiques et gaz toxiques, une réalité quotidienne
Le bombardement aux armes chimique sur la ville de Khan Cheikhoun a été une énième étape dans la campagne meurtrière pour détruire ce qui reste de l’opposition populaire au régime d’Assad en instaurant la terreur chez les populations civiles. Ce n’est pas une exception dans les vastes moyens répressifs du régime. Depuis les attaques chimiques dans la région de la Ghouta, au sud de Damas en août 2013, qui avaient fait environ 1 400 morts, jusqu’à celle sur Khan Cheikhoun la semaine dernière, d’autres bombardements contenant des produits chimiques toxiques ont eu lieu régulièrement. Pourtant le dictateur Assad avait déclaré en juin 2014 que toutes ses armes chimiques avaient été transférées hors de la Syrie pour être détruites, suite à l’accord entre Moscou et Washington à la fin de l’été 2013.
Le Réseau syrien pour les droits de l’homme (SNHR) a documenté 167 attaques par les forces du régime utilisant des substances toxiques depuis septembre 2013. En 2017, le SNHR en a déjà documenté 9 en y incluant Khan Cheikhoun. 97 % de ces attaques ont été commises dans les zones dites « libérées », tandis que 3 % ont été menées dans des zones détenues par le prétendu État islamique (Daesh).
C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre la satisfaction de certaines parties des classes populaires syriennes, en particulier dans les zones libérées, de voir une base militaire d’un régime les massacrant jusque-là en toute impunité, être la cible de frappes aériennes punitives par les États-Unis. Cela dit, aucune forme d’optimisme ne devrait être placée dans l’administration du président Trump qui pourrait apporter quelque chose de positif au peuple syrien.
Aucune illusion dans l’administration Trump
Beaucoup de Syriens le comprennent d’ailleurs très bien et sont loin d’être naïfs. Dans de nombreux témoignages, on peut entendre des activistes dire que ces frappes aériennes n’ont pas pour objectif de punir Assad trop durement... mais simplement lui faire comprendre qu’il doit respecter les « lignes rouges » qui proscriraient l’utilisation des armes chimiques. En même temps, les forces militaires du régime et ses alliés ont tout loisir de continuer la guerre avec des barils de TNT, des bombes à fragmentation, des armes au phosphore, et autres armes meurtrières... Les habitantEs de Khan Cheikhoun ont d’ailleurs souffert d’un nouveau bombardement le 8 avril, qui a tué une femme et blessé plusieurs autres personnes. Le régime et la Russie ont également bombardé tout le week-end diverses provinces, entraînant la mort de nombreux civils.
Les États-Unis ont aussi démontré une volonté de ne pas trop punir Assad et fâcher Moscou. Washington a en effet averti les dirigeants russes avant de bombarder la base militaire de Shayrat, tandis que, selon certains témoignages, le régime syrien avait eu le temps d’évacuer son personnel et de déplacer son équipement hors de la base avant les frappes. D’ailleurs dans les 24 heures qui ont suivi les bombardements, l’aviation du régime utilisait à nouveau la base de Shayrat !
Nos solidarités avec la lutte du peuple syrien
D’autres éléments montrent la nécessité de lutter contre les illusions d’une intervention bénéfique d’un pouvoir étatsunien raciste et qui fait la chasse aux réfugiés et aux étrangers sur son propre sol. Depuis 2014, les frappes aériennes des États-Unis en Syrie et en Irak ont fait plus de 2 500 morts civils, dont plus de 1 000 durant le seul mois de mars. La semaine passée une frappe aérienne des États-Unis dans une localité proche de Raqqa a causé la mort de 15 civils. Cela sans oublier le soutien aux dirigeants d’autres régimes autoritaires dans la région : Turquie, Israël, Arabie saoudite, Égypte, etc.
Dans ces conditions, l’administration Trump, comme d’ailleurs celle de son prédécesseur Obama, ne peut représenter un espoir pour les SyrienEs. Les déclarations du secrétaire d’État Rex Tillerson, qui doit visiter Moscou le 12 avril, confirment qu’il n’y a pas pour l’instant de changement de cap pour Washington. La priorité des États-Unis reste la prétendue « guerre contre le terrorisme » et Daesh, en tentant d’atteindre une forme de stabilité autoritaire en Syrie maintenant les structures du régime intactes, avec à sa tête Assad ou pas.
Le peuple syrien continue donc de souffrir, renforçant la nécessité de notre solidarité avec sa lutte démocratique et sociale contre le régime Assad et ses alliés russes et iraniens, contre toutes les forces fondamentalistes religieuses, et contre toutes les interventions étrangères.
Joseph Daher