Vendredi 4 décembre, en visite sur le porte-avions Charles-de-Gaulle amené près des côtes de la Syrie, François Hollande planait dans son rôle de défenseur de l’ordre et de la puissance militaire française.
Le même jour, le Parlement allemand votait sa contribution aux bombardements contre l’État islamique, alors que la veille, la Chambre des Communes britannique avait approuvé l’extension à la Syrie des bombardements déjà menés par l’aviation du Royaume Uni en Irak. Et ce dimanche 7 décembre, Obama déclarait : « la menace du terrorisme est réelle, mais nous la vaincrons. Nous détruirons l’EI et toute autre organisation qui chercherait à nous nuire »...
D’après l'Obs, « installé entre un Super Étendard et un Rafale », Hollande a déclaré, solennel : « cette fois-ci, je vous rejoins en pleine opération » pour « vous dire combien la France est derrière vous ». « Flexibilité, rapidité, disponibilité : c’est la force de l’armée française et c’est ce que je vous demande avec des moyens qui ont été augmentés ». On ne sait pas ce qui effare le plus : la prétention aventurière à l’efficacité dans des opérations militaires qui ont toujours montré leurs effets contre-productifs, ou l’opportunisme du vendeur d’armes, dont les récents succès sont d’abord permis par les États les plus proches idéologiquement du monstre Daesh ?L’armée française était déjà associée à la coalition sous domination étatsunienne qui intervenait en Irak d’abord, puis de plus en plus en Syrie. De 5 % du total des opérations aériennes, les missions de l’aviation françaises dans la région sont passées à 20 % depuis le 13 novembre. Au 3 décembre, le tableau officiel donnait « 2 500 sorties aériennes, 321 frappes et 580 objectifs détruits » depuis le début de l’engagement français. Aucun bilan des victimes civiles n’est disponible.
En Syrie, les populations ne savent plus de quelles bombes se sauver...
À Raqqa ou à Palmyre, les habitants soumis au joug terriblement oppresseur de Daesh le jour, vivent sous la terreur des bombardements de la coalition occidentale la nuit… et de ceux des forces russes, encore plus meurtriers, à n’importe quel moment ! Les avions de Poutine, qui bénéficient maintenant de deux bases en Syrie, multiplient les frappes en coordination avec les forces du régime... sur Daesh pour se couvrir diplomatiquement, mais d’abord et avant tout sur les zones libérées du pouvoir d’Assad par le soulèvement populaire syrien. Partageant les méthodes terroristes du régime, ils bombardent d’abord les objectifs civils, marchés, hôpitaux… Ainsi, pour la seule journée de vendredi 4 décembre, au moins 56 civils dont 16 enfants ont été tués dans le centre et le sud de la Syrie, en particulier sur un marché de la ville de Jisrine.
Mais l’offensive des défenseurs d’Assad (Syriens, Iraniens, Libanais et Russes) depuis deux mois sous couvert de « lutte contre le terrorisme », ne parvient pas à gagner des positions significatives. Les zones libérées du régime et de Daesh, au nord près de la frontière turque, autour d’Alep, dans le centre, autour de Damas et près de la frontière jordanienne, résistent aux attaques parfois combinées de ces deux contre-révolutions, par l’auto-organisation héroïque de coordinations locales pluralistes des populations civiles et par la résistance militaire de forces hétéroclites formant des coalitions de circonstance : brigades se réclamant de l’Armée syrienne libre ou de plusieurs coalitions islamistes, kurdes du PYD, turkmènes… Sous les sièges et les bombardements, les coordinations locales luttent pour la démocratie et cherchent aussi à limiter l’emprise des forces militaires sur la vie civile.Le peuple syrien et celles et ceux qui fuient la guerre méritent notre solidarité concrète, contre Assad, contre Daesh, et contre les impérialismes et puissances régionales qui contribuent à l’écrasement du peuple syrien.
Jacques Babel