L’Inde a mené un raid aérien au Pakistan à la suite d’un attentat suicide commis le 14 février dernier à Plumawa, au Cachemire sous occupation indienne, réveillant le spectre d’une guerre entre deux États possédant l’arme nucléaire.
Le Cachemire est un pays himalayen administré à l’ouest par le Pakistan et à l’est par l’Inde depuis la partition des Indes britanniques en 1947. De population majoritairement musulmane, il est le principal foyer de tension entre les deux États, et a déjà été l’objet de plusieurs conflits militaires. C’est cependant la première fois depuis 1971 que l’aviation indienne intervient ainsi, bien au-delà de la ligne de démarcation qui coupe en deux ce territoire (une telle incursion n’avait pas eu lieu lors du conflit de 1999).
Situation de quasi-guerre
Les organisations progressistes indiennes et pakistanaises agissent de concert contre le danger de guerre et pour que le droit à l’autodétermination des Cachemiris soit reconnu. Pourtant, elles ont vigoureusement condamné l’attentat-suicide de Plumawa où une quarantaine de paramilitaires indiens ont trouvé la mort. Elles considèrent en effet que cette forme de lutte a de dangereuses conséquences :
– Elle facilite une riposte militaire indienne qui conduit à une situation de quasi-guerre susceptible de basculer dans un conflit majeur alors que la région est maintenant nucléarisée (ce n’était pas le cas en 1971).
– Côté indien, elle permet au Premier ministre Modi de faire monter la tension à la veille d’élections régionales qu’il risque de perdre. Modi, c’est l’extrême droite suprémaciste hindoue, nourrie par le RSS (Rashtriya Swayamsevak Sangh) que bien des marxistes indiens considèrent être un mouvement de masse fasciste.
– Côté pakistanais, elle permet à l’armée de conforter sa mainmise sur le pays, de justifier au nom de la défense nationale ses exigences budgétaires et les nombreux privilèges des membres du haut commandement.
– Côté cachemiri, elle favorise la mainmise de groupes fondamentalistes liés à des fractions de l’appareil d’État pakistanais qui manipulent à leurs fins le rejet de l’occupation étrangère. L’attentat-suicide de Pluwama a été commis par un habitant de la localité, mais revendiqué par le mouvement JeM basé au Pakistan. Dans un environnement hyper militarisé, elle rend très incertain le développement d’un large mouvement populaire de résistance aux occupations.
La nécessité de la solidarité internationale
Pour l’heure, un point d’arrêt a été mis à l’escalade militaire, le Pakistan libérant notamment le 1er mars un pilote indien qu’il avait capturé après avoir abattu son avion. Le risque de « dérapage » n’est pas pour autant jugulé. Modi peut vouloir attiser une nouvelle fois les tensions à la veille des élections. Des provocations peuvent venir de diverses « fractions », étatiques ou non, d’un côté ou de l’autre la ligne de démarcation.
Les forces antiguerre indiennes et pakistanaises ont lancé des appels pour que les mouvements progressistes de tout le sous-continent se mobilisent pour dire ensemble « Non à la guerre ».
Elles en appellent aussi au mouvement antiguerre international. De même que la péninsule coréenne, la frontière indo-pakistanaise est l’une des zones où un conflit peut prendre une dimension nucléaire, fût-ce à la suite d’un « dérapage incontrôlé ».
L’urgence est aussi à la solidarité avec les Cachemiris. En Inde tout d’abord, où des étudiantEs et travaileurEs originaires du Cachemire ont été agressés, sommés de « rentrer chez eux » sous la pression des nationalistes hindous. « Chez eux » où la répression s’est déchaînée : arrestations en masse, usages de fusils à billes de plomb (de nombreux adolescentEs ont perdu la vue)…
Apportons notre solidarité aux mouvements qui tentent de briser le corset de la militarisation en développant un mouvement populaire de masse social, démocratique et pour le droit à l’autodétermination – une autodétermination sans laquelle il n’y aura pas de paix possible dans cette partie du monde.
Défendons aussi les forces progressistes au Pakistan et en Inde qui luttent solidairement contre la guerre et qui, dans chaque pays, peuvent être dénoncées comme des « traîtres à la nation » et devenir la cible de la répression.
Le gouvernement français quant à lui s’est rangé au côté de l’Inde, comme les États-Unis.
Pierre Rousset