Publié le Lundi 5 avril 2010 à 18h26.

Togo – Des élections de nature à invalider la démocratie

 

Alors que la Commission nationale électorale indépendante (CENI) déclarait le 6 mars (2 jours après les élections présidentielles) Faure Gnassingbé réélu avec 60,92% des voix, les Togolais-e-s avaient espéré que l’Union européenne, garante de ces élections, allait réagir fermement. Le Collectif de solidarité avec les luttes sociales et politiques en Afrique, dont «Afriques en lutte» est membre, appelait dès fin février à réfléchir sur les possibilités de recours auprès des autorités européennes si des fraudes massives étaient avérées. En effet, l’Union européenne, principal financeur de l’élection dans le cadre d’un «Projet d’appui aux processus électoraux» (PAPE), porte une grande responsabilité dans l’organisation et la supervision de celle-ci mais aussi dans les risques de dérive sécuritaire. C’est également l’UE qui finance le volet «sécurisation de l’élection», sous-traité par l’Agence française de développement (AFD). La France, soutien indéfectible du clan Eyadema depuis plus de 40 ans, est chargée du volet répression car elle doit former et équiper la FOSEP (Force Sécurité Election Présidentielle), quasi bras armé du régime en cas de contestation des élections.

 

Petit pays tout en longueur de seulement 56 785 km², le Togo est un pays de l’Afrique de l’ouest, limité à l’est par le Bénin, à l’ouest par le Ghana, au nord par le Burkina Faso tandis que sa façade sud est ouverte sur le golfe du Bénin. En 2009, la population du Togo est estimée à environ 6 millions d’habitant-e-s. D’abord sous protectorat allemand de 1884 à 1918, le Togo est ensuite partagé entre l’Angleterre et la France à la fin de la Première guerre mondiale. La partie est revenant à la France (puis sous tutelle de l’Onu en 1946) et la partie ouest revenant à l’Angleterre (avant d’être rattachée au Ghana en 1956). L’indépendance du Togo est acquise le 27 avril 1960 grâce à Sylvanius Olympio qui devint premier ministre avant dêtre destitué lors du coup d’Etat (où il trouve la mort) du 13 janvier 1963. Déjà, l’ombre d’Eyadéma (père) plane sur ce coup d’Etat, qui porte pourtant un civil (Nicolas Grunitsky) au pouvoir. Quatre ans plus tard, un second coup d’Etat porte au pouvoir Gnassingbé Eyadéma, celui dont on dit qu’il tua de ses propres mains le père de l’Indépendance togolaise Sylvanius Olympio. Il restera président à vie jusqu’à sa mort le 5 février 2005. Le coup d’Etat électoral du 24 avril 2005 qui porta le fils Eyadéma (déclaré vainqueur des élections avec 60,22% des voix contre 38,19% pour le candidat de l’opposition Emmanuel Bob Akitani) au pouvoir fit des centaines de morts ainsi que des milliers de déplacés. Une coalition de l’opposition démocratique représentant 6 partis politiques contre le candidat du RPT, Faure Gnassimbé, garant de la continuité du clan Eyadéma ne permit pas le changement tant attendu par les Togolais-e-s qui sortirent groggy de ses élections.Cinq ans plus tard, on prend les mêmes et on recommence. L’opposition se regroupe cette fois derrière Jean-Pierre Fabre (UFC), désigné candidat unique du Front républicain pour le changement et l’alternance au Togo (UFC, Sursaut TOGO et OBUTS). Malgré la présence de l’UE qui envoie plus d’une centaine d’observateurs, les élections du 4 mars (initialement prévue le 28 février) voient la réélection de Faure Gnassingbé (60,92% des voix) tandis que Jean Pierre Fabre annonce aussi sa victoire. Les nombreuses irrégularités pointées par les observateurs de l’UE «ne sont pas de nature à invalider le scrutin», formule choc qui ne permet pas de remettre en cause les résultats du scrutin, ni d'invalider la victoire du clan Eyadéma. Les Togolais-e-s, qui se sont battu-e-s avec beaucoup d’espoir en 2005, ne demandent qu’une seule chose: la paix. C’est ce qui semble ressortir de ce scrutin. La France doit cesser de soutenir ce régime dictatorial ainsi que tous les autres régimes dictatoriaux en Afrique. Les Togolais-e-s ont droit à la démocratie totale et non à une pseudo-démocratie, validée par des pseudo-observateurs européens, garant de la bonne gouvernance. Les Africain-e-s doivent se tourner vers le continent et l’union africaine pour mettre en place un système valide de contrôle des élections. En effet, les irrégularités qui en Europe auraient fait scandale ne sont souvent pas de nature à invalider un scrutin en Afrique. Pour les Européens, l’Afrique doit se contenter d’une démocratie bananière.

Moulzo