Publié le Vendredi 11 juillet 2025 à 08h00.

Togo : la jeunesse contre la dictature

Une vague de répression sanglante a frappé les mobilisations des 26, 27 et 28 juin. À l’origine, l’arrestation d’un jeune rappeur critique du régime. Face à un pouvoir dynastique verrouillé par l’armée, la jeunesse togolaise exprime un désir de changement que le régime tente d’éteindre dans la terreur.

Le gouvernement togolais a répondu, comme à son accoutumée, par une violence extrême aux manifestations qui se sont déroulées les 26, 27 et 28 juin derniers. Des premiers rassemblements avaient eu lieu lorsque les autorités avaient procédé à l’arrestation d’Aamron, un jeune rappeur qui avait appelé ironiquement la population à offrir un cadeau spécial pour l’anniversaire de Faure Gnassingbé, aux affaires depuis 2005, succédant à son père, lui-même resté au pouvoir pendant 38 ans.

Un pouvoir dynastique verrouillé

Transféré dans un hôpital psychiatrique, Aamron avait présenté ses excuses au président, expliquant qu’il avait retrouvé son équilibre psychologique. Beaucoup de monde a été révolté par cette mise en scène sordide, d’autant que sa mère avait témoigné, lors de sa visite, que son fils avait été passé à tabac. Des manifestations spontanées avaient éclaté, notamment dans la capitale, à Lomé, suivies de nombreuses arrestations par la police.

Ce n’était pas le premier artiste à être emprisonné. Le poète Honoré Sitsopé Sokpor, alias « Affectio », s’est retrouvé derrière les barreaux pour un poème publié sur Facebook prônant la résistance. Sur les réseaux sociaux, blogueurEs et artistes, le plus souvent de la diaspora, avaient lancé un appel à manifester contre la dictature.

Après quatre mandats présidentiels issus de mascarades électorales, Gnassingbé a procédé à un changement constitutionnel. Désormais, il devient président du Conseil des ministres, élu par l’Assemblée nationale, sans aucune limitation de mandat. Si la fonction de président de la République est maintenue, elle n’est plus que protocolaire.

Ainsi, Gnassingbé pourra s’éterniser au pouvoir, en s’exonérant de l’élection présidentielle qui cristallise la vie politique dans le pays. Une longévité assurée par sa mainmise sur l’armée. En effet, le dictateur est issu de la communauté kabyè, qui représente un peu plus de 10 % de la population, mais compose à 70 % l’armée togolaise.

Briser la révolte dans le sang

Le bilan de la répression des manifestations des trois jours est lourd : sept mortEs, des dizaines de blesséEs et une soixantaine d’arrestations. Des cadavres ont été repêchés dans le lac d’Akodesséwa et dans la lagune de Bè.

Nombre de témoignages indiquent que les forces de l’ordre sont entrées dans les maisons, tirant des grenades lacrymogènes, tabassant les habitantEs et enlevant certaines personnes. Des civils armés, cagoulés, dans des pick-up neufs et sans immatriculation, agissaient aux côtés des forces de l’ordre.

Comme justification, les autorités ont servi des balivernes. Le gouvernement n’aurait fait que défendre l’État de droit ; les mortEs retrouvéEs dans la lagune et le lac seraient de simples noyéEs ; et les civils armés dans les 4 × 4 seraient de simples citoyens organisés en groupes d’auto­défense pour protéger leurs biens.

Le but de Gnassingbé est de frapper violemment pour instaurer un climat de terreur et étouffer dans l’œuf des mobilisations qui se nourrissent d’un désir de changement.

Cela n’empêche nullement l’ambassade de France au Togo de fournir du matériel à la police, notamment des radios portatives ou 500 menottes de type « serflex ».

Paul Martial