Publié le Mardi 21 février 2017 à 21h54.

USA : « Que Dieu bénisse Boeing ! »

À Charleston, en Caroline-du-Sud, Trump a conclu un meeting tenu dans un hangar de Boeing par un retentissant « Que Dieu bénisse Boeing ! » L’aveu d’une politique tout entière vouée au capital.

C’est aussi la tentative du plus impopulaire et du plus contesté des présidents des USA de reprendre la main en menant une campagne permanente autour de ses deux thèmes de prédilection,  nationalisme et protectionnisme (« acheter américain et embaucher américain »), et l’immigration.

Recadrage tendu

Retrait forcé de son futur ministre du Travail, le personnage traînant entre autres des accusations de violence contre sa femme, démission de son conseiller à la sécurité, soupçonné d’être trop proche des Russes, déclarations contradictoires à propos d’Israël ou de la Chine, etc. Les gaffes et les scandales sont quotidiens.

La démission contrainte de Michael Flynn, le conseiller à la Sécurité nationale, l’un des plus hauts postes de l’État, soupçonné de collusion avec la Russie, focalise les tensions, y compris au sein du camp républicain et avec l’appareil d’État. Flynn était la pierre angulaire de la politique extérieure de Trump. Il était aussi parti en guerre contre le pouvoir de la CIA et du Pentagone, espérant les subordonner à la Maison-Blanche. Il pensait comme Trump que la Russie avait des intérêts communs avec les États-Unis, qu’elle n’était pas une menace pour eux et donc que l’on pouvait discuter sans méfiance... Les Républicains, les néoconservateurs anciens amis de Bush, l’ont forcé à démissionner, et Trump a dû accepter : un camouflet aussi important que la suspension par les juges de son décret anti-­immigration. Son remplaçant, le général McMaster, devrait offrir toutes les garanties : il a fait l’Irak, pendant la guerre de 1991 et deux fois après l’invasion américaine de 2003, ainsi que l’Afghanistan !

Contre-offensive arrogante

Trump s’est plié, mais sans abdiquer de s’imposer à la machine républicaine, jouant de la sympathie qu’il recueille dans son électorat. Après une conférence de presse impromptue et agressive, il est allé en meeting à Melbourne, en Floride, pour s’adresser directement au peuple, par-delà l’establishment...

« La Maison-Blanche fonctionne sans accroc, sans heurt. Croyez-moi, j’ai hérité d’un grand bazar ». Tout serait la faute des médias « malhonnêtes » qu’il accuse de propager des « mensonges », des « fausses informations »... même si les fuites sont vraies. Il a martelé son slogan de campagne, « Rendre sa grandeur à l’Amérique », pour à nouveau partir en guerre contre le Mexique et les migrants, se faire le champion de la sécurité des frontières et de la construction du mur : « Les terroristes islamiques radicaux seront maintenus hors du pays ! », inventant au passage un attentat en Suède qui n’a jamais eu lieu !

Vantant ses prétendus « premiers succès » dont ceux de l’industrie automobile, il a promis de continuer à relancer l’emploi et a annoncé sa réforme du système de santé : « Nous nous occupons de l’Obamacare. Nous en sommes aux derniers stades. Nous la présenterons donc début ou mi-mars ».

Il veut sa revanche contre les juges fédéraux qui ont suspendu son décret anti-immigration du 27 janvier. Il abdique de contester leur décision pour repartir à la charge avec un second texte « très complet, pour protéger le pays ».

Il veut aussi prendre la main sur la FED, la banque centrale américaine dont la dirigeante formule une critique ouverte de ses projets économiques, en particulier la décision de remettre en cause le peu de régulation financière existant.

Les manifestants ne désarment pas

Samedi dernier, dans les rues du Milwaukee, sur le lac Michigan, se sont retrouvés 15 000 manifestants pour le #JourSansLatinos. « Nous sommes travailleurs, pas criminels », disait une banderole en tête de cortège. Pour le President’s Day, le 20 février, jour férié en l’honneur des chefs d’État américains, des manifestations ont aussi eu lieu dans tout le pays.

La colère ne désarme pas. C’est là qu’est la vraie opposition à Trump, dans le mouvement ouvrier et la jeunesse, parmi les travailleurs immigrés, les femmes, en faisant converger les mécontentements et les exigences contre le système dont Trump est le produit et l’instrument.

Yvan Lemaitre