Les événements qui ont ensanglantéle 5 juillet 2009 et les jours qui ont suivi, Urumqi, capitale de la région autonome du Xinjiang dans le nord-ouest de la Chine, sont d’une ampleur «sans précédent» ces vingt dernières années. Leur importance a «forcé» le Président Hu Jintao à renoncer à assister au sommet du G8 pour rentrer en Chine. Sur place des renforts militaires ont été déployés pour assurer «la stabilité» de la région. Plusieurs mois après ce soulèvement du peuple Ouïgour, les forces de sécurité sont toujours très présents dans les rues d’Urumqi.
Côtéface, un bilan officiel fait état d’au moins 197 morts, principalement des Hans, et plus d’un millier de blessés. Côtépile, des milliers de Ouïgours auraient étéarrêtés et emprisonnés entre le 5 juillet et le 1er octobre mais il est impossible de savoir combien sont morts, encore emprisonnés ou disparus. D’après l’organisation Human Rights Watch (HRW) au moins 43 Ouïgours dont des enfants sont portés disparus. S’appuyant sur des récits d’habitants d’Urumqi, HRW relate que les autorités ont encerclé des quartiers de la ville et arrêté tous les hommes portant des blessures.
Effrayépar le soulèvement des Ouïgours dans la province du Xinjiang qui fait suite àla mobilisation du peuple tibétain l’an passéet à une vague sans précédent de mobilisations des travailleurs migrants et urbains, le gouvernement a promis une sévérité exemplaire à l’encontre «des émeutiers». A la mi-octobre, le tribunal d’Urumqi a condamné à mort 6 des 21 premiers inculpés pour meurtres, incendies volontaires, vols et vandalisme. Puis un deuxième procès a confirmé l’extrême sévérité du tribunal avec 6 nouveaux condamnés à mort.
Ces évènements rappellent les émeutes tibétaines de mars 2008. Leur origine réside dans les conflits intercommunautaires. Comme au Tibet, dans le Xinjiang, les Ouïgours (8,3 millions) habitants traditionnels de cette région de culture musulmane et turcophone, sont confrontésàla domination des Hans chinois d’installation plus récente.
Si les violences intercommunautaires s’aggravent ainsi au Xinjiang, c’est que les effets de la colonisation de peuplement Han en cours s’ajoutent aujourd’hui àl’oppression politique, culturelle et religieuse des Ouïgours. Alors qu’ils représentaient 95% de la population en 1949, les Ouigours ne sont plus aujourd’hui qu’environ 50% de la population. Les Hans sont maintenant majoritaires dans certains centres urbains, constituant par exemple 83% des habitants d’Urumqi.
Le développement capitaliste de la Chine a accéléréce mouvement de colonisation «interne» d’une région riche en pétrole et en matières premières. Les Ouïgours sont les laissés pour compte de ce développement économique favorisé par les autorités de Pékin. Les inégalités sociales se creusent en conséquence.
Pour justifier sa politique répressive, Pékin invoque la menace «terroriste» islamique et les activités des mouvements séparatistes en exil. L’origine des tensions extrêmes mises en lumière par les récentes émeutes est cependant à rechercher ailleurs. Le gouvernement chinois s’attaque en réalité aux droits démocratiques, culturels et religieux, économiques et sociaux des Ouïgours. Ce sont ces droits qu’ils cherchent à défendre et que nous soutenons.
Danielle Sabai