Publié le Lundi 8 février 2021 à 09h56.

Construire la résistance contre les homophobes de la manif pour tous et les fachos

Les opposants à la Loi Sécurité globale n’étaient pas les seuls à se mobiliser ce week-end du 30 janvier. La Manif pour tous était également de sortie contre la loi bioéthique laquelle contient l’ouverture de la PMA, la procréation médicalement assistée aux couples de femmes et aux femmes seules. Le recul des gouvernements d’Hollande et de Macron sur cette loi a été liée en partie à une offensive réactionnaire construite autour de la Manif Pour Tous. Pour autant, huit ans après les promesses de campagnes, les homophobes continuent de manifester contre l’accès à une égalité de droits.

La structuration et la radicalisation des réactionnaires derrière l’homophobie

Des rassemblements et manifestations étaient organisés dans une soixantaine de ville, bien souvent ne dépassant pas 100 à 200 personnes, sauf à Versailles, avec un millier de participants, et Paris avec quelques milliers. Si les capacités logistiques perdurent on est bien loin des 80 000 manifestants d’octobre 2019 et 40 000 de janvier 2020 rassemblés à l’appel d’Allons enfants. La baisse numérique significative démontre une perte de dynamique sur ce thème qui reste néanmoins structurant pour l’extrême-droite notamment autour des courants "catho tradi".

Les rassemblements et manifestations organisés dans une dizaine de villes n’ont jamais rassemblés plus de quelques centaines de personnes, bien loin des mobilisations massives contre le mariage pour tous en 2012. Les contre-mobilisations qui ont eu lieu quasiment à chaque fois étaient au moins aussi nombreuses voir bien plus massives notamment à Paris où la manifestation Pour l’égalité a rassemblé 3000 personnes alors que cette mobilisation avait très peu tourné. Ce qui montre la disponibilité d’une jeunesse LGBTI, et de la jeunesse en général pour lutter contre les idées d’extrême-droite.

Néanmoins, nous pouvons noter deux éléments importants. Le premier c’est le rôle idéologique qu’a joué la Manif pour tous (LMPT) autour de la libération de la parole homophobe et donc réactionnaire en particulier structurée autour des enjeux de la famille. Surfer sur la destruction de la famille dans une période de crise du système est une recette qui a fonctionné et qui fonctionne encore. Cette bataille idéologique a des conséquences concrètes. LMPT fait pression sur une partie de la droite mais aussi du gouvernement et c’est comme cela qu’on se trouve avec une loi au rabais et le non-vote de la loi par le Sénat il y a deux jours.

Le deuxième élément c’est que la persistance de ces mobilisations est le symbole de la structuration d’un camp réactionnaire derrière la lutte contre l’égalité et l’homophobie. Ce camp connaît également une radicalisation puisque le service d’ordre de ces initiatives étant bien souvent organisé par des groupuscules d’extrême-droite radicale et notamment les identitaires au moins à Lyon et Toulouse. Outre le service d’ordre de ces rassemblements ces derniers ont été l’occasion de mobilisation de ces groupes pour s’en prendre au contre-manifestants, les forces de l’ordre s’avérant plutôt peu réactives… Au total autour de 235 militants d’extrême droite radicale ont participé à ses commandos dans une dizaine de villes. La mobilisation simultanée à défaut d’être coordonné de groupe de fafs, se nommant eux même nationalistes, le même week-end pour aller « chasser » des militants progressistes et une nouveauté qu’il faudra prendre en compte pour l’avenir.

Derrière l’extrême droite radicale le Rassemblement National n’est jamais bien loin

Cette mobilisation doit s’analyser en lien avec celle de la Cocarde étudiante qui a tenté de participé à la manifestation syndicale de l’éducation le mardi 26 janvier. Cette opération avait le double objectif de tenter de se donner une légitimité sur le terrain social tout en dénonçant le caractère totalitaire des « organisations d’extrême-gauche ». Les commandos du week-end dernier et l’opération de communication du 26 janvier ne relèvent pas de la même tactique d’intervention de l’extrême-droite mais dans les deux cas de limiter la capacité d’influence des militants progressistes et cela illustre que l’extrême droite se sent suffisamment en confiance pour agir dans la rue.

La Cocarde étudiante qui se revendique de droite est essentiellement composé de militants de droites extrêmes mais qui coexistent avec des militants de l’Action française, des identitaires. Son président n’est autre que l’attaché parlementaire de Jordan Bardella du Rassemblement national.

En effet, la proximité entre les deux mouvements n’est plus à démontrer, de nombreux militants de Génération identitaire travaillant pour le RN dans la communication ou comme attaché auprès des élus. Le meilleur exemple de cette proximité étant illustré par le transfert de Philippe Vardon ex-chef des identitaires niçois et dirigeant national du mouvement devenu directeur de campagne pour les élections européennes puis candidat aux municipales de Nice.

Il ne s’agit pas ici d’une coordination militante organisé par le RN. Ce dernier n’est d’ailleurs pas le plus en pointe mais il faut comprendre l’impact de la diffusion des idées réactionnaires et d’extrême-droite qui se matérialise par les scores de ce dernier. Ce renforcement légitime l’action de l’extrême-droite radicale même si celle-ci reste groupusculaire. Le tournant autoritaire du gouvernement qui légitime le début d’autonomisation d’une partie des forces de répression explique la proximité qui peut exister sur le terrain entre ces dernières et l’extrême-droite radicale même lors de ses actions violentes.

Rien n’est perdu mais il y a urgence à réagir !

Les récents exemples internationaux aux Etats-Unis avec l’envahissement du Capitole et mais aussi (bien que n’ayant pas un caractère de masse) le second attentat commis contre une femme noire trans, élue municipale de Rio de Janeiro, laisse à voir ce que signifierait pour les plus oppriméEs l’arrivée au pouvoir de l’extrême-droite. Les mobilisations de ce week-end comme les sondages de cette semaine qui donnent Marine Le Pen en tête au premier tour, à 48 % au second avec une marge d’erreur de 2 % doivent nous alerter sur l’urgence de la situation.

Pour autant rien n’est perdu. L’élection présidentielle est dans plus d’un an et personne ne peut prédire quelles mobilisations de masse auront lieu d’ici là. 235 militants dans une dizaine de ville cela reste largement groupusculaire et écrasable à condition de s’en donner les moyens. En cela, les contre-manifestations de ce week-end sont un élément positif, bien que malheureusement ils n’aient été appelés que peu largement et sans le mouvement ouvrier.

L’enjeu pour nous est de construire une riposte militante antifasciste, pour l’égalité des droits avec toutes celles et tous ceux qui le souhaitent contre l’extrême-droite, ses idées et le tournant autoritaire du gouvernement. Un des enjeux sera à la fois d’ancrer cette riposte dans le mouvement ouvrier et dans notre classe mais aussi de mettre au cœur celles et ceux qui seront le plus touchés par l’extrême droite : les personnes racisées, les personnes LGBTI,...

La construction ces derniers mois d’une coordination unitaire antifasciste autour de ces axes qui rassemble des organisations syndicales, politiques et des groupes antifascistes est un signe encourageant. La campagne de rencontre sociale antifasciste que nous nous apprêtons à mener doit être l’occasion pour nous d’analyser et débattre largement de cette situation et de la riposte à construire. Le procès en appel des assassins de Clément ainsi que la mobilisation contre le Congrès du RN à Perpignan début juillet devra être une étape centrale dans la construction de cette riposte.