Lundi 3 février, Manuel Valls a annoncé que, concernant la « loi famille », le gouvernement s’opposerait à tout amendement sur la procréation médicalement assistée (PMA) et la gestation pour autrui (GPA), véhiculant l’amalgame entretenu par les réactionnaires entre deux pratiques n’ayant pourtant rien à voir. Puis le projet de loi promis par le PS a été retiré, renvoyé à 2015...
Alors même que les mobilisations de la « Manif pour tous » se centraient sur l’IVG et la psychose autour d’une « théorie du genre » qui relève davantage de la légende urbaine que des programmes scolaires, il est surprenant que le ministre de l’Intérieur prenne l’initiative d’une telle déclaration, forcément outrageusement médiatisée.
Comment donner aux réacs ce qu’ils ne demandaient même pas ?On pourrait s’interroger sur la légitimité de Valls à s’exprimer sur le sujet, projet de la ministre déléguée à la Famille, Dominique Bertinotti. Or si cette dernière s’est déclarée favorable à titre personnel à l’accès à la PMA (insémination artificielle, don de sperme…) à toutes les femmes (et non uniquement aux femmes en couple hétéro comme c’est le cas actuellement), cette mesure n’a jamais fait partie des premiers jets de la loi. Des propositions d’amendements en ce sens (et non dans le sens de la GPA, qui correspond aux mères porteuses, ce que personne ne défend aujourd’hui) auraient sans doute été déposées, mais le gouvernement ayant enjoint à ses députés de voter contre, nul besoin de supprimer l’intégralité de la loi pour les bloquer.Pourtant, le gouvernement a bien fait le choix de reporter le projet de loi en 2015. Le Conseil consultatif national d’éthique, censé produire un avis sur la PMA début 2014, avec des États généraux (car la question de l’autonomisation des femmes dans leur capacité reproductrice est manifestement du même acabit que le clonage humain ou l’insémination post-mortem...), a fort opportunément déclaré qu’il lui faudrait de nouveau un an de réflexion.
Une loi imparfaite mais qui méritait un autre sortPar la décision absurde de repousser une loi pour une mesure qu’elle ne comportait pas, le gouvernement montre ainsi sa soumission aux réactionnaires. Bien que ses détails ne soient pas connus, la loi famille, à en croire les déclarations ministérielles, était imparfaite. D’abord, justement, par l’absence de la PMA. Ensuite, par la non-prise en compte de la situation des familles homosexuelles, et ce malgré la demande des associations, compte tenu que le mariage pour touTEs était loin d’avoir réglé tous les problèmes. Enfin, elle contenait des mesures qui nécessitaient notre vigilance comme le droit à connaître ses origines, qui aurait pu remettre en cause le principe de l’accouchement sous X, principe pourtant adopté initialement pour des raisons sanitaires afin d’éviter les avortements clandestins tardifs et les abandons de nouveaux-nés.Néanmoins elle contenait aussi des avancées sociétales. Ainsi, une pré-majorité, qui aurait donné des droits (notamment un droit de vote, même partiel), dès l’âge de 16 ans. D’autre part, le principe de « coparentalité » permettant de reconnaître le rôle joué par les beaux-parents dans les familles recomposées, en leur accordant un statut légal facilitant le quotidien (statut de parent d’élève, accompagnement chez le médecin…) mais aussi l’héritage. Dans la même perspective, la loi devait faciliter l’adoption simple qui, ne rompant pas les liens avec les parents biologiques, peut être prononcée plus facilement. Ces deux mesures auraient permis de relativiser le lien biologique au bénéfice du lien social et affectif : la « Manif pour tous » est logiquement vent debout contre elles.
Le gouvernement recule, à nous d’avancer !Même si Ayrault a vaguement annoncé que des projets de loi reprenant des éléments de la loi initiale seraient examinés, le gouvernement montre une fois de plus qu’il est prêt à se plier aux réactionnaires, qui n’acceptent que le modèle de la famille hétérosexuelle et nucléaire et prêchent la domination des hommes sur les femmes. Face aux nombreuses menaces qu’ils exercent (que ce soit sur le droit à l’IVG et plus généralement les droits des femmes, le mariage et la PMA pour touTEs, le droit des trans, l’éducation à l’égalité et l’éducation à la sexualité...), il est nécessaire de continuer à construire les mobilisations et d’être extrêmement vigilantEs sur l’évolution des projets du gouvernement sur ces thématiques.
Anastasia Tiarava et Chloé Moindreau