Après l’échec du vote de la « loi LIOT » le 6 juin, il est plus que jamais temps de reposer les questions démocratiques.
«Nos institutions sont extrêmement fortes puisqu’elles nous permettent, alors que nous avons une majorité relative, de fonctionner ». Ces propos du macroniste Jean-René Cazeneuve, rapporteur (Renaissance) du budget à l’Assemblée, en disent long, tant sur les institutions de la 5e République que sur l’état d’esprit du pouvoir en place. A fortiori dans la mesure où ces propos ont été tenus à l’occasion du « non-vote » de l’Assemblée nationale de la proposition de loi LIOT visant à abroger le recul de l’âge légal de la retraite, recul qui aura donc été finalement adopté sans aucun vote favorable de l’Assemblée.
Ce qui est constitutionnel n’est pas nécessairement démocratique
Ainsi va la vie « démocratique » dans la 5e République, à propos de laquelle nous n’avions guère d’illusions, mais dont nous avons (re)découvert, au cours des derniers mois, les artifices garantissant à une minorité politique de pouvoir se prévaloir de la légitimité constitutionnelle et, partant, de la légalité. Les manœuvres de la macronie nous ont ainsi transformés en apprentiEs constitutionnalistes, de plus en plus familiers des divers articles permettant de rejeter des amendements non examinés ou de contraindre les députéEs à voter dans un délai imparti, l’article 47.1, l’article 49.3 (déjà célèbre), et plus récemment l’article 40.
Avec au bout cette incontestable conclusion : ce qui est constitutionnel n’est pas nécessairement démocratique. Et son corollaire : la Constitution française est antidémocratique, qui permet de faire passer à marche forcée, contre la très grande majorité de l’opinion et sans même avoir besoin d’un vote à l’Assemblée, des décisions qui vont avoir des conséquences tragiques sur la vie de chacunE d’entre nous. Alors oui, une évidence s’impose : une exigence démocratique élémentaire est de mettre à bas la Constitution de la 5e République, imposée après le coup d’État de De Gaulle en 1958.
Pas de démocratie politique sans démocratie sociale
Le NPA tente de populariser, notamment lors des campagnes électorales, un programme comprenant des exigences démocratiques élémentaires : suppression de la présidence de la République et de ses pouvoirs exorbitants, suppression du Sénat — assemblée de notables élus par les notables —, proportionnelle intégrale, droit de vote à toutes les élections pour les résidentEs étrangerEs, interdiction du cumul des mandats et de plus de deux mandats consécutifs, indemnité correspondant au salaire moyen d’unE ouvrierE ou d’unE employéE...
Si ces mesures étaient adoptées dans le cadre d’un processus constituant, nul doute que la « vie démocratique » s’en trouverait en partie changée. Mais nous ne sommes pas de celles et ceux qui pensent que la démocratie politique puisse être déconnectée de la démocratie sociale, et que des réformes institutionnelles seraient garantes d’une réelle appropriation collective de la prise de décision.
Ces exigences démocratiques élémentaires imposent en effet de s’attaquer, aussi, aux lieux réels de pouvoir : les banques, les grands groupes capitalistes, dont les dirigeants ne sont désignés que par leurs plus gros actionnaires et détiennent un pouvoir bien plus réel que les assemblées élues.
Prendre les droits dont on nous prive
Les capitalistes s’arrogent le droit de licencier, de bloquer les salaires, de développer des productions polluantes, sans en rendre compte à quiconque : face à cela, nous devons remettre en cause le pouvoir patronal, à commencer par la propriété privée des moyens de production qui enlève à la population la maîtrise des richesses produites et des choix de production.
La démocratie, ce n’est pas choisir tous les cinq ans des « représentantEs », c’est au jour le jour être maître des décisions vitales pour sa vie quotidienne dans l’entreprise, la ville, le quartier… sans déléguer ce pouvoir à de prétenduEs expertEs ou spécialistes. Nous devons prendre nous-mêmes les droits démocratiques dont on nous prive, nous les travailleurEs, les chômeurEs, les retraitéEs ou les jeunes des quartiers populaires. Nous en avons les moyens, nous qui produisons toutes les richesses, nous sans qui rien ne peut fonctionner dans la société.
Tout cela n’est pas un doux rêve, et les mobilisations sociales sont souvent l’occasion d’expérimenter ces formes de démocratie par en bas : collectifs de mobilisation, assemblées générales, comités de grève, mise en place de structures autogérées, etc. Rompre avec un système qui nous emmène droit dans le mur, c’est aussi rompre avec des institutions antidémocratiques et s’affirmer aujourd’hui comme étant celles et ceux qui peuvent, collectivement, diriger la société : nous pouvons le faire, nous savons le faire, nous devons le faire !