Publié le Mercredi 21 mai 2025 à 12h00.

En finir avec la République pourrissante, reprendre la rue !

En se mettant en scène avec différents interlocuteurs, mardi 14 mai sur TF1, Macron a cherché à réinvestir le devant de la scène et à montrer qu’il contrôlait une crise politique qui lui a déjà en partie échappé. En sortant du chapeau des soi-disant référendums, il semble acter que plus rien ne se joue au Parlement. Mais alors d’où peut venir le changement ?

Certainement pas des institutions, avec d’un côté un président que la Constitution rend indéboulonnable et, de l’autre, un gouvernement stabilisé par l’élection de Retailleau à la tête de LR, celui-ci ayant assuré son maintien dans l’exécutif. Une stabilisation par la droite, sur la base idéologique de l’agenda de l’extrême droite qu’il défend.

Un jeu institutionnel bloqué

Macron évite ainsi un nouveau soubresaut de la crise politique, et la perspective d’une dissolution s’éloigne quasi définitivement. Et personne, chez les représentantEs de la bourgeoisie, n’a vraiment intérêt à créer de l’incertitude en faisant chuter le gouvernement, tant sur le plan économique que politique... Ainsi Macron espère-t-il mener sa politique encore deux ans en plaçant notre camp social dans un marigot attentiste, rythmé par quelques référendums calibrés par le pouvoir... De la cuisse de Hollande est sorti Macron, de celle de Macron sortira-t-il Retailleau, candidat « en même temps » de la droite et de ­l’extrême droite ? 

C’est dans la rue que ça se passe !

Dénouer le blocage, faire sauter le verrou institutionnel pour imposer des mesures favorables à notre classe et entraver la marche de l’extrême droite vers le pouvoir imposent de reprendre le chemin des luttes et de la rue. Certes, on pourrait a priori se dire que la rue, on la prend depuis des mois, voire des années, et on pourrait égrener la liste des mobilisations sans victoire... Pour autant, et sans remonter très loin, la séquence ouverte par la défaite sur les retraites en 2023 montre à quel point la mobilisation des masses fait bouger les lignes. L’instabilité et la crise politique de 2024 sont la conséquence directe de cette mobilisation. 

Des millions de personnes dans les rues pendant des mois, et même pas tant de grèves que ça, ont poussé Macron à utiliser tout l’arsenal que lui procure la 5e République pour se maintenir au pouvoir malgré son absence de légitimité : article 49.3 ; défaite aux élections européennes et dissolution de l’Assemblée nationale, un gouvernement démissionnaire aux affaires durant les deux mois de l’été ; le ­gouvernement Barnier nommé contre le résultat des élections, sa chute ; enfin le gouvernement Bayrou, parmi les plus réactionnaires de la 5e République, aujourd’hui empêché, et dont le sort pourrait se jouer sur l’affaire Bétharram…

Ces derniers mois ont l’allure d’années. La crise est vive mais le pourrissement du pouvoir bien avancé. Déstabilisé par les coups de boutoir de mobilisation de masse qui ont accéléré la crise de régime, avec pour résultat un président à bout de souffle, comme la République qu’il incarne.

On pourrait remonter aux Gilets jaunes, qui ont fait trembler le pouvoir au point qu’un plan d’évacuation de l’Élysée avait été envisagé… Et citer les mobilisations féministes et antiracistes qui font encore culturellement bouger les lignes, ou encore le mouvement de solidarité qui a malgré tout poussé le gouvernement à infléchir son discours sur la Palestine.

C’est nous qui produisons, c’est nous qui décidons !

Alors oui, par la rue, continuer encore et encore. Plus nombreux et nombreuses, mieux organiséÉs. C’est aussi par là que se construisent les solidarités dont nous avons besoin face aux attaques de l’État et des fachos, pour faire face aux licenciements, aux conditions de travail dégradées. C’est par la rue et par la grève que se construit la légitimité d’une autre démocratie, ascendante, à travers celle que nous expérimentons dans nos luttes. C’est nous qui produisons, c’est nous qui décidons. Macron n’a plus ni projet, ni majorité, ni légitimité mais a pour lui la légalité de la constitution. Nous devons imposer une autre légitimité et poser la question d’un processus constituant, pour en finir avec le présidentialisme et ­l’autoritarisme de la 5e République.

William Daunora et Manon Boltansky