Le feuilleton judiciaire Tapie n’en finit plus. Dernier rebondissement en date, l’arrêt de la cour d’appel de Paris rendu le 17 février.
Cet arrêt a décidé de réviser l’arbitrage qui avait alloué à Tapie la modique somme de 403 millions d’euros d’indemnités, dont 45 millions d’euros au titre du préjudice moral... Il faut savoir qu’à l’époque, les indemnités pour préjudice moral échappaient à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux.Rappelons également que c’est un tribunal arbitral mis en place par Lagarde, c’est-à-dire la justice privée, qui a permis le versement de ces 403 millions et que les principaux protagonistes – à l’exception de Christine Lagarde – sont aujourd’hui mis en examen pour escroquerie en bande organisée. Le fond de l’affaire – Tapie a-t-il été lésé ou pas par le Crédit Lyonnais – sera lui étudié le 29 septembre prochain.En attendant, fidèle à lui-même, Tapie en fait des kilos : « On veut ma peau, il faut que je crève, c’est ça ? » Il faut dire que la décision de la cour d’appel risque en effet de l’obliger à rendre les fameux 403 millions d’euros perçus. Mais rassurons-nous, l’indécrottable affairiste n’est pas encore sur la paille...
Une escroquerie d’ÉtatDepuis vingt ans, cette affaire donne un tableau éloquent des liens très étroits entre la finance, le pouvoir et ceux qui le servent. Année après année, de rebondissement en rebondissement, on voit la série des complicités et acteurs compromis dans cette escroquerie d’État où se mêlent l’avidité sans borne de Tapie et la complaisance affichée du pouvoir à l’égard des plus aisés et des fraudeurs. La réalité des relations étroites entre la classe politique et le monde de la finance rattrape donc la vie politique.La Ve République et la « République exemplaire » tant vantée par les uns et les autres sont bel et bien incompatibles. Dans ce système, la Ve République confisque le pouvoir de tous au profit de quelques-uns. Le capital y fait la loi, en bonne entente avec les politiciens qui appliquent docilement ses recommandations...
Imposer le contrôle de la populationBien que les exemples ne manquent déjà pas, l’affaire Tapie est un révélateur des mœurs des sommets de l’État et de la finance, de ce monde de privilégiés auquel tout est permis. Ceux-là mêmes qui nous imposent leur politique d’austérité. Alors, même si les membres du gouvernement, Sapin en tête, se satisfont de l’arrêt de réarbitrage, le quinquennat de Hollande sera aussi celui de la faillite d’une de ses nombreuses promesses, celle de la « moralisation » de la République et au-delà de la vie politique.Même si cet arrêt judiciaire va dans le bon sens, s’en satisfaire ne changera rien. La transparence sur la marche des affaires et de l’État comme des entreprises ne pourra venir que d’en bas, de l’organisation et de la mobilisation des salariéEs, des usagerEs, de l’ensemble de la population pour faire de la politique : dire leur mot, défendre leur propres intérêts.
Sandra Demarcq