Publié le Samedi 21 mai 2016 à 11h34.

Assemblée nationale : Qui veut censurer ce gouvernement ?

Le gouvernement a échappé à la motion de censure déposée par la droite, et celle des députés Front de gauche, écologistes et socialistes n’a pu aboutir à deux voix près. Un épisode qui marque une étape dans la crise politique sans précédent au sein du PS et dans la fuite en avant de ce gouvernement.

Sans grande surprise, la motion de censure déposée par la droite aura donc été repoussée, le 12 mai dernier à l’Assemblée nationale. La loi a donc été adoptée en première lecture et le gouvernement se maintient. Sur les 288 voix nécessaires, le texte de la droite a obtenu 246 voix dont parmi elles, 14 de députéEs de gauche (10 du Front de gauche, 2 écologistes et 2 « non-inscrits » ex du PS). Ces derniers faisaient partie des 56 députés ayant essayé de rassembler 58 signatures de députéEs de gauche pour déposer également une motion de censure, démarche qui avait échoué à deux voix près. Ce n’est pas faute d’avoir essayé, mais deux voix leur ont manqué, en particulier celles des aubrystes très remontés contre la loi... mais aux abonnés absents pour censurer le gouvernement. Ces derniers ont bien essayé d’expliquer par la voie de François Lamy qu’ils n’étaient « ni pour la scission du PS ni pour la politique du pire ». Ben voyons !

Mais pour Valls , cette tentative avait « un intérêt » : « Celui d’une clarification entre ceux qui s’arc-boutent sur le passé et ceux qui voient l’avenir... » Après leur échec in extremis, les « frondeurs » étaient donc face à un dilemme : voter ou ne pas voter la motion de censure de la droite qui revendique clairement son libéralisme, cela au risque de se faire exclure du groupe à l’Assemblée, voire du PS comme de nombreux ténors du parti l’avaient fait savoir. Et le patron des députéEs PS de déclarer : « Les frondeurs doivent savoir que (...) c’est une ligne rouge que de déposer ou voter une censure contre le gouvernement. » Les « frondeurs » ont donc décidé – une nouvelle fois – de ne pas dépasser la ligne rouge...

Démocratie parlementaire, vraiment ?

Si les députés du PCF, les Verts et certains « frondeurs » étaient prêts à déposer une motion de censure de gauche en plus de celle de la droite, le gouvernement n’avait malheureusement pas grand-chose à craindre. La constitution, taillée sur mesure pour l’exécutif, ne permet pas le cumul des voix des deux motions. Quant à l’éventualité de voter la motion de la droite, au vu des pressions et du chantage à l’exclusion du PS ou concernant la prochaine investiture, les « frondeurs » n’ont donc pas hésité très longtemps, alors que ce gouvernement, rappelons-le, n’avait pas, lui, rechigné à recourir aux voix de la droite pour la déchéance de nationalité.Ce recul des « frondeurs » montre aussi à quel point la professionnalisation de la vie politique impacte la démocratie tant les éluEs sont liés à leur parti... et à leur réélection !

Quant à nous, nous n’avons aucun scrupule : si nous avions des députés comme pourrait le permettre le système à la proportionnelle que nous défendons, ils feraient tomber ce gouvernement et mettrait cette loi travail à la poubelle, par tous les moyens nécessaires, y compris en votant une motion de censure avec la droite. Et l’argument pourrait même être retourné : comment de toute façon défendre ces institutions qui permettent qu’un gouvernement si minoritaire dans le pays soit maintenu au pouvoir ?

Mais rien n’est fini : le texte de loi doit dorénavant passer par le Sénat puis revenir à l’Assemblée nationale où le gouvernement n’aura toujours pas de majorité... N’oublions pas que le contrat première embauche fut retiré après avoir été adopté par le 49-3. Oui, la loi travail peut tomber... grâce à la censure des salariéEs du privé comme du public, dans la rue. De ce point de vue, les prochains jours sont décisifs.

Sandra Demarcq