Le 1er mai est traditionnellement une journée où, partout dans le monde, on bat le pavé. Cette édition 2010 n’a pas failli à la tradition. En France, elle a rassemblé encore environ 350 000 manifestants dans près de 300 défilés organisés à travers tout le pays, à l’appel lancé par l’intersyndicale CGT, CFDT, FSU, Solidaires et Unsa. Si le nombre de manifestants était inférieur à celui de l’an passé et à la manifestation du 23 mars, les cortèges restaient assez conséquents. Le contexte social aurait pu présager une mobilisation beaucoup plus massive des travailleurs, notamment pour s’opposer à la contre-réforme des retraites mais le « grand 1er Mai » n’a finalement pas eu lieu. Pourtant, les revendications ne manquaient pas, notamment dans les cortèges NPA où était dénoncée la stratégie d’enfumage du Conseil d’orientation des retraites (COR) sur les déficits, donnant ainsi le coup d’envoi d’une campagne de terrain offensive contre la réforme Sarkozy. Cette journée doit être la première étape d’une longue bataille, dont le 6 mai posera un double jalon avec la réunion de l’intersyndicale et le meeting de la gauche contre la réforme des retraites. « 60 ans et 37,5 annuités à taux plein », telles étaient les clameurs qui montaient des cortèges... Mais au-delà de ce cadre de lutte, cette fête des travailleurs marque aussi le lancement de belles initiatives comme celle de la marche des sans-papiers de Paris à Nice en défense de la régularisation de tous les sans-papiers. Ce 1er Mai était aussi l’écho et le relais de la détermination des salariés grecs et de l’ensemble de la population contre les graves mesures de régression sociale exigées par le FMI, l’Union européenne et la BCE. Si l’UMP a l’audace de se sentir encouragée par cette trop modeste manifestation populaire, du point de vue des manifestants, ce 1er Mai marque le timide premier acte d’un printemps de luttes !
Paris-Nice à pied pour les sans-papiers, c’est parti !
Les sans-papiers du ministère de la Régularisation de tous les sans-papiers ont entamé leur marche pour Nice. Après avoir rejoint le cortège parisien de la manifestation, ils se sont rendus à Vitry-sur-Seine pour la première étape de leur marche. Les 100 marcheurs accompagnés de militants sont arrivés vers 18 h 30 sur la place du Marché. Ils étaient attendus par le collectif des sans-papiers de Vitry et les militants du comité de soutien. Accueil, repas, moment de fête, exposition inter-lutte, hébergement de nuit collectif étaient organisés. Le lendemain, les marcheurs sont repartis direction Évry, avec deux renforts du collectif de sans-papiers de Vitry. La marche a cheminé exactement selon le plan de route défini.L’équipe nationale des sans-papiers a démontré tout son engagement, sa résolution, son enthousiasme, et surtout sa cohésion tout au long de cette première portion de trajet. À Choisy-le-Roi, le cortège s’est arrêté quelques minutes à proximité du centre de rétention administrative. Le plus fort a été l’interprétation de la Marseillaise version « ministère de la Régularisation », au pied de la statut de Rouget de Lisle. Les marcheurs ont été humainement et matériellement soutenus tout au long du trajet quel que soit le lieu de passage (axe routier fréquenté ou petite rue de zone pavillonnaire).La pause déjeuner s’est faite à Ablon-sur-Seine à proximité d’un jardin public. Le moment de la séparation à Athis-Mons a été très émouvant, avec poignées de main et embrassades fraternelles.
Lille, engager la bataille des retraites
2 500 à Lille, 1 000 à Dunkerque, 500 à Arras, Boulogne ou Douai, 250 à Valenciennes, moins de 10 000 manifestants dans les différents cortèges de la région, les manifestations du 1er Mai ont certes regroupé davantage de manifestants que traditionnellement mais bien moins que l’an passé. Au-delà d’un contexte social difficile où les fermetures d’entreprises se multiplient dans la région, les unions locales ont peu fait pour transformer cette journée en succès (à Calais, la manifestation a même été remplacée par une garden-party devant la mairie). Si à Douai, le cortège était marqué par la mobilisation des salariés d’AFR qui occupent le site depuis le 29 mars contre la fermeture de leur usine (voir article p. 5), dans d’autres villes où des manifestations étaient organisées, les salariés de nombreuses entreprises en butte à des licenciements ou des fermetures (Forges de Fresnes, Delos, etc.) étaient absents des manifestations. L’absence de mots d’ordre précis tant sur les salaires que sur l’emploi ou les retraites a renforcé le sentiment qu’il s’agissait d’un rendez-vous traditionnel, sans enjeu véritable. À tel point que la musique a souvent remplacé les slogans dans les cortèges syndicaux. À Lille, le cortège le plus dynamique était celui des sans-papiers. Difficile dans ces conditions de mobiliser sur les lieux de travail et de faire de ce 1er Mai, une étape dans la construction d’un mouvement d’ensemble pour faire plier patronat et gouvernement, notamment pour engager la bataille des retraites. Face à l’inertie des sommets syndicaux nationaux, un appel a été diffusé dans les manifestations à l’initiative de Solidaires, de la métallurgie CGT, d’Attac, pour la construction d’un collectif unitaire régional pour la défense des retraites s’appuyant sur l’appel national et revendiquant notamment le retour aux 37,5 annuités pour tous et l’exigence du départ à la retraite à taux plein à 60 ans (et à 55 ans pour les métiers pénibles).
Bordeaux, de 6 000 à 15 000 manifestants
Non, ce n était pas le 1er Mai attendu, celui qui devait marquer la deuxième grande journée de mobilisation pour la défense des retraites. Le seul rendez-vous fixé depuis la journée du 23 mars. Malgré le temps mitigé et la fin des vacances, la manifestation a rassemblé à Bordeaux entre 6 000 et 15 000 personnes, selon les différentes sources.La manifestation était unitaire, seule Force ouvrière était absente, elle organisait un meeting dans ses locaux au même moment. En tête du défilé, la CGT avait un des plus gros cortèges, les ouvriers de l’usine Ford étaient une cinquantaine sous leur banderole à avoir répondu à l’appel de la seule CGT (sur les cinq syndicats présents dans l’entreprise). Ils sont encore un petit noyau à résister aux attaques de leurs dirigeants et à demander que tous les postes soient maintenus alors que semble se confirmer une suppression de 500 emplois d’ici la fin de l’année. La CFDT et l’Unsa ont aussi réussi à mobiliser leurs militants derrière les camions sono.Quant à Solidaires, les militants étaient peu nombreux mais les mots d’ordre étaient clairs « Partage du temps de travail, partage des richesses, retraite à 60 ans ». Les anarchistes et les libertaires de la CNT (Confédération nationale du travail) avaient un beau cortège d’environ 200 personnes.Sous la banderole unitaire « pour un front uni pour les retraites » défilaient les partis regroupés, dans un collectif départemental pour la défense des retraites, autour de l’appel initié par la Fondation Copernic et Attac c’est-à-dire le Parti de gauche, le NPA avec une petite centaine de militants, la Gauche unitaire, et la Fase. Étrangement, le PCF n’a pas répondu à l’appel unitaire et défilait devant, comme Lutte ouvrière. Le Parti socialiste fermait la manifestation. Face aux attaques du gouvernement sur les retraites, il est urgent de continuer les mobilisations et d’initier partout où c’est possible des collectifs regroupant largement les partis politiques et les syndicats. C’est ce qui est en train de se faire en Gironde. Car c’est tous ensemble que l’on peut lutter, c’est tous ensemble que l’on peut gagner!
Toulouse, avec les salariés, les sans-domicile fixe
5 à 6 000 manifestant-e-s à Toulouse samedi matin pour fouler le pavé de la ville rose. Joli cortège malgré une pluie battante du début à la fin du défilé. Même si la retraite occupait tous les esprits et les slogans des organisations politiques et syndicales, s’étaient joints au cortège les membres du collectif « SDF sans frontière ». Ce collectif constitué de sans-logis et soutenu par les Enfants de Don Quichotte, se bat depuis des mois pour obtenir des logements pérennes. Certains ont déposé des dossiers à la commission Dalo (Droit au logement opposable), tous, en tout cas sont en discussion avec la mairie pour trouver des solutions. En attendant, ils squattaient un immeuble qui appartient à l’Armée du salut, place Bachelier à Toulouse. Cela n’a pas empêché cette dernière de vouloir à tout prix récupérer son bien, avec l’appui zélé du préfet qui a fait expulser les occupants, mercredi 28 avril. Les quinze occupants se sont retrouvés à proximité, place Saint-Aubin, et ont dû passer la nuit du 28 au 29, dehors. Le NPA a alors apporté son aide afin que les membres de ce collectif puissent s’exprimer par tracts et banderole le 1er Mai. Dans une situation extrêmement difficile, on a frôlé le drame jeudi matin lorsqu’un restaurateur du quartier jugeant que des SDF, ce n’est pas bon pour le commerce, les a menacés et a blessé, à coups de crosse, un militant des Enfants de Don Quichotte qui tentait de s’interposer. Devant ces incidents le NPA a protesté, réaffirmé son soutien au collectif SDF sans-frontières ainsi qu’aux Enfants de Don Quichotte et a exigé qu’une solution soit trouvée très rapidement. Des discussions avec des représentants de la mairie qui ont désapprouvé l’attitude du préfet, ont débuté jeudi après-midi. Aussi, samedi matin, tout le monde s’est retrouvé au point fixe du NPA et les SDF sans-frontières ont distribué leurs tracts rappelant à la population toulousaine que le 1er Mai est une journée de lutte et de revendications pour les travailleurs et tous les sans-droits.
5 000 manifestants à Nantes
En Loire-Atlantique, plusieurs défilés étaient prévus, le 1er Mai : l’un à Saint-Nazaire et l’autre à Nantes. Mais une manifestation était également organisée à Ligné, dans l’est du département : 400 personnes accompagnaient les travailleurs de SAH Leduc, soumis à un plan social. Ceux-ci ne sont hélas pas les seuls dans la région : à Pontchateau, les salariés de Bobcat font face à un licenciement prévu de plus de cent travailleurs….. Le nombre de participants n’est donc pas étonnant. D’autant plus que certaines boîtes sont ou ont été en lutte pour les salaires (Waterman, par exemple, ou Airbus).Le défilé est assez familial. Les militant-e-s sont venu-e-s avec leurs enfants. RESF cherche des parrains pour les enfants sans papiers. Et la présence de militants d’autres pays souligne le côté internationaliste du 1er Mai : aux côtés de l’Asti locale (appelée ici gasprom), défilent militants turcs et kurdes… d’ailleurs, dans son intervention, l’orateur de Solidaires a souligné l’importance de la solidarité avec les travailleurs grecs. Les cortèges CFDT et CGT sont les plus importants. Ensuite Lutte ouvrière ouvre le défilé des organisations politiques, avec un groupe important du NPA et la présence des Verts.Pourtant ce 1er Mai est considéré comme un 1er Mai « comme les autres » par certaines organisations syndicales. Pour Sud et la FSU, cette manif du samedi est bien loin de constituer une réponse aux attaques. Plus question de renouveler les « journées d’action » de l’an dernier. Un meeting CGT-FSU-Solidaires-FO est prévu le 3 juin. Les échéances semblent donc repoussées à septembre. Dans le département, un collectif d’organisations politiques se met en place avec le NPA, les Alternatifs, le PG, le POI et les militants du PCF qui ont mené la campagne des régionales avec le Front de gauche et le NPA. La présence de FO dans l’initiative du 3 juin semble interdire pour le moment une unification des deux collectifs. La coordination existera sûrement. Espérons qu’elle permettra une résistance énergique et efficace.
Solidarité internationale…
France, Grèce, Espagne, Allemagne… Dans toute l’Europe mais aussi à travers le monde, la journée internationale des travailleurs a été l’occasion de manifestations de solidarité contre la crise et la finance. « Aucun sacrifice, la ploutocratie doit payer pour la crise », affirmait une banderole déployée place Syntagma à Athènes devant le Parlement grec. À la veille de l’annonce du plan d’étranglement de la Grèce, cette journée était une préparation de la grève générale du 5 mai pour surmonter la résignation, les pressions politiques et policières pour construire l’unité nécessaire pour avoir confiance et prendre l’offensive. En Allemagne aussi, principalement à Berlin et Hambourg, de fortes manifestations ont eu lieu contre Merkel toute dévouée à ses amis les banquiers et à faire donner sa police contre les manifestants. En Suisse, près de 7 000 personnes ont défilé à Zurich. En Italie, en particulier à Rosarno (Calabre, sud), lieu de violences racistes en janvier contre les ouvriers saisonniers immigrés et habitants, en Espagne, partout, s’est exprimé le même refus de payer leur crise. À Vienne, ils étaient 100 000 personnes. En Turquie, 300 000 manifestants ont convergé sur la place centrale d’Istanbul interdite à toute manifestation depuis 1977, il y a 33 ans, lorsque des dizaines de personnes avaient été tuées par un attentat perpétré par l’extrême droite avec la complicité de l’État. En Russie, les manifestations ne se sont pas limitées à celles des nostalgiques de Staline ou aux amis de Poutine. « Les travailleurs ne devraient pas payer pour la crise », « Pas de hausse des prix », « Les responsables doivent payer », disaient les banderoles à Saint-Pétersbourg. À Gaza, plus de 2 000 Palestiniens ont manifesté contre le blocus imposé par Israël, mêlant drapeaux rouges et drapeaux palestiniens. À Bagdad, à Jakarta, au Pakistan, Téhéran,... rassemblements, meetings, prises de position ont été l’occasion de manifester pour les droits des travailleurs. En Amérique latine aussi… Aux États-Unis, dans près de 70 villes, en particulier à Los Angeles, ils étaient des milliers pour dénoncer la loi réactionnaire et répressive contre l’immigration récemment adoptée par l’Arizona. À l’heure où les dirigeants de la puissance capitaliste chinoise recevaient les représentants des maîtres du monde libéral et impérialiste invités à Shanghai pour inaugurer dans le faste l’Exposition universelle, vitrine de leur réussite, partout dans le monde, les travailleurs ont utilisé leur journée internationale pour dénoncer cette société où les merveilles de la technique produites par le travail humain servent avant tout à déployer les privilèges d’une minorité parasite au détriment du plus grand nombre…
Grèce : avant la grève générale....
Week-end du 1er Mai en deux temps en Grèce : samedi, grosses mobilisations dans le pays et dimanche, les annonces du gouvernement sur les mesures antisociales adoptées pour obtenir un prêt d'environ 120 milliards sur trois ans. Les mesures sont des plus brutales et montrent l'aplatissement complet du Pasok devant les desiderata de l'UE et du FMI : en expliquant gravement que le grand malade est le secteur public, Papandréou annonce la suppression des 13e et 14e mois des fonctionnaires – espérant peut-être ainsi différer les réactions dans le privé –, l'assouplissement des règles de licenciement, une nouvelle hausse de la TVA, les suppressions des indemnités pour les retraités. Le tout sur le thème : la patrie en danger… Face à ce massacre des conditions de vie de la population, les mobilisations du 1er Mai ont montré la radicalité, puisque même les plus bureaucrates parlaient samedi de faire payer la crise aux patrons et aux spéculateurs, pas aux travailleurs. Mais l'un des obstacles principaux se voyait très clairement dans la tragique division athénienne : un gros cortège du courant KKE (PC) à 500 mètres du rassemblement syndical (direction Pasok), très clairsemé puis, plus loin, un cortège massif de Syriza (Synaspismos et groupes anticapitalistes), et encore plus loin, le cortège le plus important, selon des reportages télé, celui de syndicats de base et d'Antarsya (regroupement anticapitaliste), au total peut-être 30 000 personnes ! Or, il est clair que dans la très difficile situation où les travailleurs hésitent entre résignation devant les obstacles et envie de se mobiliser, la confiance qu'apporte l'unité dans les luttes sera un facteur décisif ! C'est un enjeu pour la grève générale du 5 mai.