En cette rentrée, François Hollande tente de répondre au « Hollande bashing » selon l’expression des médias, une campagne de dénigrement, pour reprendre la main alors que son gouvernement est déjà confronté à une minicrise politique au moment où il engage une nouvelle cure d’austérité. Dans un récent entretien accordé au Monde il donnait dans la confidence : « Je ne veux pas être comme le bouchon au fil de l’eau : changer, passer d’un état à un autre. Il faut de la constance.
Un style, cela s’imprime au fur et à mesure ». Il souligne les différences de style avec Sarkozy pour éviter de discuter du fond : sa politique s’inscrit dans la continuité de son prédécesseur.Le « changement, c’est maintenant », pour les salariés, ce sont les fermetures d’usine, le chômage, la baisse du pouvoir d’achat, l’aggravation des inégalités, de la pauvreté. Et tout le monde sait bien qu’il n’y aura pas de changement autre que la détérioration de la situation sociale et politique sous les effets de l’austérité qu’Hollande va aggraver. Il le sait fort bien lui qui a tout fait pour éviter tout débat sur la question du traité d’austérité, le TSCG qu’il veut faire adopter début octobre par le Parlement.La question pour Hollande est comment mettre bas le masque peu convaincant d’une fausse gauche hypocrite pour montrer son vrai visage, celui d’un président « normal », c’est à dire au service des classes dominantes, du patronat. C’est bien la démonstration qu’ont tenu à faire Jean-Marc Ayrault comme les dix ministres qui ont été à l’université d’été du Medef courtiser Parisot et ses amis. Le même Jean-Marc Ayrault déclarait dans le même temps qu’il ne serait pas le ministre du « tournant de l’austérité ». D’une certaine façon, il a raison, il est le ministre de la continuation de l’austérité.Lui et Hollande ont mené durant les quatre derniers mois une politique en trompe-l’oeil prenant quelques mesures qui avaient l’air du changement alors qu’ils avalisaient, sur le fond, la politique engagée par Sarkozy. Que ce soit sur le droit à la retraite à 60 ans pour les longues carrières, ou le collectif budgétaire qui détricotait certaines mesures les plus choquantes de Sarkozy, les changements à la marge n’avaient d’autre fonction que de masquer la continuité assurée par Hollande. De même, la négociation sur le pacte de croissance avec Merkel n’avait pas d’autre but que donner de l’illusion du changement là où il y avait continuité.Maintenant Hollande ne peut plus se dérober, lui-même doit prendre la responsabilité d’accentuer la politique menée par la droite. Il tente de jouer la montre. « Dans cette période marquée par la montée des prix, les plans sociaux et la hausse du chômage, la chronologie des Français ne correspond pas à celle de l’action gouvernementale ». Cet euphémisme hypocrite se concrétise dans la « démarche de concertation ». Gagner du temps, associer les directions des confédérations syndicales, étouffer l’opposition qui se manifeste au sein du PS et chez Les Verts, et cela sans faire trop de vagues ni de bruit, voilà le style Hollande !Finis les faux-semblants, il est bien le président de l’austérité. Il tente alors de museler, comme dirait Cécile Duflot, les oppositions potentielles. Pour celles et ceux qui refusent l’austérité, l’heure est au regroupement pour construire une opposition de gauche à ce gouvernement, contre la droite et l’extrême droite, une opposition ouvrière et populaire, décomplexée, sans muselière, offensive.Social : les attaques continuentLes 120 premiers jours de gouvernement Hollande-Ayrault ne marqueront certainement l’histoire sociale du pays.Les premiers mois de Mitterand en 1981 restent comme le temps des espoirs vite et profondément déçus mais des mesures restées emblématiques. Au-delà de la suppression de la Cour de sûreté de l’État et de la peine de mort, et de la régularisation des étrangers en situation irrégulière qui exerçaient un travail, de l’abrogation de la loi « anticasseurs » et d’une loi d’amnistie, ce premier gouvernement de gauche avait décidé une augmentation du Smic de 10 %, des allocations familiales et logement de 25 %, handicapéEs de 20 %, et créé l’impôt sur les grandes fortunes.A contrario, les mesurettes prises par le gouvernement actuel apparaissent encore plus dérisoires. Pour le Smic, on en est resté à 2 %, soit 21,50 euros net par mois y compris la hausse de 1,4 % liée à l’inflation. Le « coup de pouce » se limite donc à 0,6 %. Ajoutons l’augmentation de l’allocation de rentrée scolaire de 25 %, la baisse du traitement des ministres, du Premier ministre et du président de la République de 30 %, le décret d’encadrement des loyers à la relocation, le retour à la retraite à 60 ans pour les carrières longues et disposant des trimestres requis, embauches à Pôle Emploi... en prévision de l’aggravation programmée de la situation du chômage.Pourtant, certaines décisions n’engagent même pas des moyens financiers. L’amnistie des militants syndicaux ou associatifs ayant participé aux mobilisations et leur permettant, entre autres, d’échapper au prélèvement ADN. À la place, le gouvernement publie un décret qui renforce les pénalités applicables aux allocataires, professionnels de santé et employeurs ayant fraudé la Sécurité sociale dont on sait qu’il s’appliquera essentiellement aux assurés. Mais rien sur le retour à une périodicité de deux ans des élections professionnelles, la modification des modes de désignation et des droits des délégués syndicaux, la suppression de la rupture conventionnelle et les restrictions du droit de grève.Pour d’autres mesures, plus fondamentales, il faudrait bien sûr décider de s’en prendre vraiment au pouvoir patronal. Dans ce domaine, en dehors des rodomontades de Montebourg à l’encontre de la famille Peugeot, il n’y a rien de décidé, rien à attendre. Dans son document d’orientation de la négociation sur la sécurisation de l’emploi, Michel Sapin appelle à « de l’audace » pour parvenir à des « compromis historiques ». Les titres des chapitres sont alléchants et les mots ont été choisis pour ne pas fâcher les syndicats et surtout pas le patronat : lutter contre la précarité sur le marché du travail ; progresser dans l’anticipation des évolutions de l’activité, de l’emploi et des compétences ; améliorer les dispositifs de maintien dans l’emploi face aux aléas conjoncturels ; améliorer les procédures de licenciements collectifs. Mais traduit dans la réalité, cela donne : aggravation de la flexibilité du temps de travail et des rémunérations en échange de « garanties » patronales de respecter des procédures de plans de licenciements à peine plus contraignantes. Les contrats emploi-compétitivité, mis à l’ordre du jour par le gouvernement précédent et mis en application à General Motors et à SevelNord, sont la seule perspective du gouvernement.En février 1982, le gouvernement nationalisait les 36 premières banques de dépôt, ainsi que Paribas et Suez et de grands groupes industriels (CGE, PUK, Rhône-Poulenc, Saint-Gobain, Thomson), passait la durée légale de la semaine de travail à 39 heures, accordait la cinquième semaine de congés payés et la retraite à 60 ans. En contrepartie, il mettait fin à l’indexation des salaires sur les prix.Faisons un rêve : lors de sa conférence de presse de dimanche dernier, François Hollande aurait déclaré : « depuis ce matin, les biens de Monsieur Arnault et de la famille Peugeot sont placés sous séquestre, les groupes industriels portant les mêmes noms sont expropriés et ces personnes ont reçus une invitation à ne pas quitter le territoire (IQTF) ».
Premier collectif budgétaire du quinquennat : premiers jalons de l’austérité de gauche !Dès sa mise en place, le gouvernement Ayrault-Hollande, dans la continuité du gouvernement Fillon, s’est fixé comme objectif de réduire la part du déficit à 4,5 % en 2012 et 3 % en 2013. Tout en continuant à honorer ses dettes auprès des marchés financiers et sans remettre en cause les traités européens existants, Maastricht, Amsterdam ou Lisbonne. Tel a été le sens du discours de politique générale de Jean-Marc Ayrault à l’Assemblée nationale. Cela revient à se constituer prisonnier de la finance. Nous sommes, bien loin du discours du candidat Hollande au Bourget, où son seul ennemi était, soi-disant, la finance. Pour atteindre cet objectif, le gouvernement doit donc redresser les finances publiques autrement dit, réduire encore plus les dépenses publiques, les dépenses sociales mais également baisser le coût du travail pour relancer la compétitivité.Les premiers jalons de l’austérité de gauche, au nom de la croissance, n’auront pas tardé et se sont même invités dès le premier collectif budgétaire du quinquennat, voté par l’ensemble des députés de gauche, et aussi par les députés du Front de Gauche.Il est vrai, et c’est tant mieux, que ce collectif budgétaire supprime la TVA « sociale », une partie de la loi Tepa de 2007, alourdit les « niches sociales », double la taxe sur les transactions financières (qui reste extrêmement basse), la contribution exceptionnelle sur la valeur des stocks pétroliers, la contribution exceptionnelle sur la fortune, diminue la rémunération du président de la République et du Premier ministre. La loi supprime également le droit de timbre pour l’accès à l’aide médicale d’État (AME)… Mesures, certes, très symboliques mais insuffisantes. Nous sommes, dans les faits, encore très loin de la « révolution fiscale » promise !Et à y regarder de plus près, ce budget rectificatif, annonce déjà la couleur : économies sur les dépenses publiques pour plus d’un milliard d’euros, gel supplémentaire de 1,5 milliard d’euros sur les crédits de l’État (l’environnement est le plus impacté par ces économies), comme sur le point d’indice des fonctionnaires et le maintien des restrictions sur l’assurance maladie. En un mot, ce collectif budgétaire valide la réduction des effectifs de 2,5 % dans la fonction publique (sauf dans les ministères dits prioritaires) et les dépenses de fonctionnement devront baisser de 7 %. Ce qui veut dire que les suppressions d’emplois vont se poursuivre dans les autres ministères, voire dans des conditions encore plus dures qu’au cours des cinq dernières années !Bref, ce collectif budgétaire ne réparera en rien la casse sociale provoquée par Sarkozy. Ce sera donc à la gauche non gouvernementale, sociale et politique d’assurer les moyens du changement !
« Priorité » à la jeunesse ?Les mobilisations de la jeunesse ont été nombreuses sous les dix années de gouvernement UMP : révolte des quartiers populaires en 2005, mouvement contre la précarité et le CPE en 2006 et de nombreuses luttes dans les facs et les lycées contre les manques de moyens ou la déréglementation de l’Éducation... Elles expriment son refus de baisser la tête quand ses conditions de vie se dégradent et que son avenir se bouche.Hollande n’a pas fait illusion longtemps : dans son gouvernement, il a placé Geneviève Fioraso à l’Enseignement supérieur. Auparavant, la ministre était PDG de Sem Minatec Entreprises, une société chargée de rapprocher les entreprises du pôle universitaire et technologique Minatec de Grenoble. Son métier est de s’assurer que les diplômes sont adaptés aux besoins du privé, pour lui offrir une main-d’œuvre hyperspécialisée et lui économiser les coûts de la formation des salariés. Tant pis si les qualifications ne sont pas reconnues nationalement dans les conventions collectives. Les diplômes « professionnalisants », il est vrai, ont été inventés sous la gauche plurielle (par le secrétaire d’État à l’Enseignement professionnel Jean-Luc Mélenchon). Le boulot de la droite a consisté à briser leur cadre national et à mettre les universités en concurrence pour financer des formations d’élite ou, au contraire, au rabais.Nul doute que la nouvelle ministre, dont le métier a été d’administrer cette politique, n’a aucune intention d’en changer. Ses « états généraux de l’Enseignement supérieur » serviront à mieux intégrer les directions syndicales à son application.Pis, la déréglementation et la casse des diplômes nationaux pourraient s’étendre aux lycées : Vincent Peillon, en juillet, a déclaré que le passage du bac en contrôle continu – donc avec des épreuves et des notations différentes d’un établissement à l’autre – n’est « pas un tabou ». Il envisage aussi de remplacer le brevet des collèges par un examen d’entrée au lycée.L’objectif de ces politiques est double : à court terme, faire des économies sur le dos des services publics ; à long terme, individualiser les formations et les diplômes pour briser tout cadre collectif une fois les jeunes entrés dans le monde du travail.
Logique, donc, que la première mesure annoncée soit un nouveau contrat spécifique, le Contrat emploi d’avenir (voir Tout est à nous ! n° 160). Il est justifié par le vieux mythe du « problème d’employabilité des jeunes ». Un mensonge éhonté : les entreprises raffolent des jeunes, quand ils sont en contrats d’apprentissage payés 25 % du Smic, en stages « indemnisés » à 300 euros par mois, en CDD, en intérim... Avec une telle palette, elles seraient bien bêtes de leur proposer des CDI à plein temps correctement rémunérés !
Cette situation est inacceptable, le gouvernement le sait. Après avoir réprimé et montré du doigt la révolte d’Amiens cet été, il prend des mesures... En créant 280 postes d’enseignants, contre 500 dans les « équipes mobiles se sécurité », une force répressive qui, contrairement à la police, peut entrer librement dans les lycées... Par exemple en cas de grève des élèves et de blocage.Qui dit mêmes attaques dit mêmes solutions. La jeunesse ne doit pas tarder à reprendre le chemin de la rue !
Répression et boucs émissairesEn mai dernier, nous avions voté pour « virer Sarkozy sans faire confiance à Hollande ». À en juger par ce qui se passe actuellement, ne serait-ce que sur le front de la politique migratoire et sécuritaire de la « gauche » au pouvoir, nous avions bien raison.En juillet, nous disions commencer à y voir « sans surprise » un peu plus clair sur les orientations du gouvernement. Nous faisions état de quelques avancées, notamment le retour à la gratuité de l’aide médicale d’État (AME), suffisant pour exciter la droite sarkoziste qui va jusqu’à piquer au FN l’idée de sa suppression pure et simple. Mais force est de constater que ces avancées ne se sont guère multipliées.La poursuite de la politique, identique dans ses fondamentaux, est suivie depuis des décennies par les gouvernements successifs. Qu’ils lorgnent vers l’extrême droite ou l’extrême centre, ils affichent avec une belle unanimité un souci de « maîtrise des flux migratoires », ne divergeant que sur la dose d’ « humanité » avec laquelle cette politique doit être menée (mais pas sur l’expression de leur « fermeté »).Des premières garanties ont été données à la droite dure. La plus solide d’entre elles était sans doute le maintien des immigrés dans un ghetto administratif sous l’égide du ministère de l’Intérieur. Il était à cet égard permis d’observer que le choix du ministre était également une garantie offerte à cette droite : la fiche de poste désignait Manuel Valls qui n’occupe pas cette fonction par hasard !Nous avons eu un été pourri. Les premières victimes en ont sans doute été le maillon faible de la chaîne des discriminations que représentent les Roms : le rythme des évacuations de camps au nom de la loi s’est intensifié, sans le moindre égard pour les protestations des associations. Bilan : 2 000 Roms environ délogéEs, « sans solution alternative, abandonnant à nouveau des hommes, des femmes et des enfants à la rue, dans une précarité toujours plus grande », pour reprendre les termes d’un récent communiqué de la Fédaration nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS). Dans ces conditions, on voit mal ce que « l’assouplissement » des conditions d’embauche des Roumains et Bulgares mis en balance pourrait concrètement apporter.Concernant les promesses de ne plus mettre d’enfants en rétention, on relèvera en premier lieu la monstrueuse exception de Mayotte sur laquelle la mort d’un nourrisson a attiré l’attention. Mais il suffit de se rendre sur le site de RESF, par exemple, pour vérifier qu’il ne se passe guère un jour sans que soit signalée, en métropole aussi, une bonne occasion de se mobiliser sur le terrain des expulsions : le moratoire n’est pas précisément à l’ordre du jour !On attend maintenant, vraisemblablement pour octobre, une circulaire de régularisation. Rien ne laisse augurer que les critères « objectifs et précis » promis soient, tant dans leur énoncé que dans leur application, extrêmement favorables, puisque l’intention est ouvertement de maintenir le nombre de régularisations à un niveau équivalent : les dénégations quant à la poursuite d’une politique du chiffre sont clairement mensongères.Quant à la politique sécuritaire, la répression brutale à Amiens de troubles suscités par le comportement pour le moins indélicat de la police, l’envoi récent de 205 flics supplémentaires à Marseille sous le contrôle d’un super préfet de police, l’installation dans cette même ville de 4 800 caméras de vidéosurveillance montrent clairement qu’en la matière, d’une présidence à l’autre, c’est clairement la continuité qui l’emporte. Et, pour qu’on ne s’y trompe pas, le ministre de l’Intérieur surjoue en permanence, à coup de déclarations martiales, son image de « premier flic de France ».Dans cette situation, une seule solution : la mobilisation. La manifestation parisienne du 1er septembre a témoigné de la colère qui gronde. On peut regretter que l’appel à manifester, dans les conditions de son lancement comme dans ses termes, n’ait pas favorisé la dynamique unitaire. Nul doute, cependant, que les déceptions s’accumulent chez ceux qui ont voulu croire que « le changement, c’est maintenant ». Le rebond nécessaire du mouvement antiraciste et antisécuritaire est donc possible. À nous d’y tenir toute notre place. On ne lâchera rien !