Publié le Jeudi 27 janvier 2022 à 08h00.

De quoi la « primaire populaire » est-elle le nom ?

De jeudi à dimanche a lieu le vote de la dite « primaire populaire ». Processus supposé déterminer unE candidatE unique de la gauche à la présidentielle, la démarche prend l’eau et servira au mieux à donner une légitimité à la dernière candidature annoncée, celle de Christiane Taubira. Mais pour tirer les bilans, mener le débat d’idées et confronter les orientations, on repassera…

Au total, l’unique succès des organisateurs de cette « primaire populaire » sera peut-être le nombre de personnes qui s’y sont inscrites. Annonçant, selon les organisateurs 467 000 participantEs (on verra combien parmi elles et eux voteront effectivement ces prochains jours), c’est 150 000 inscritEs de plus que « l’investiture populaire » qui a désigné Jean-Luc Mélenchon, presque 350 000 de plus que ceux de la primaire écolo qui a investi Jadot, sans parler du faible nombre de militantEs PS qui ont désigné Anne Hidalgo…

La « primaire populaire » fait donc mine de sortir les muscles, mais pour quels objectifs ? Niveau programme, un « socle commun de 10 mesures, simples, compréhensibles, facilement accessibles » a été défini par « un travail de co-construction » de militantEs ou représentantEs d’une dizaine de forces politiques… sans que personne ne se sente pleinement engagé par ailleurs par ces propositions ! Ces 10 « ruptures » – nommées comme telles – compilent des déclarations de bonnes intentions issues de différents programmes sur le terrain social, démocratique ou écologique, laissant de côté toute la dimension stratégique. Comme si ce catalogue allait s’imposer de lui-même par le vote…

Besoin d’unité... mais pour changer le système

Outre ce « programme » qui n’engage que celles et ceux qui y croient, le caractère ubuesque de la démarche est amplifié par le mode de désignation du ou de la candidatE. Sept personnes sont proposées au scrutin… dont trois (Anne Hidalgo, Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon) à l’insu de leur plein gré ! Pire, l’affrontement avec la « primaire populaire » est maintenant public, avec notamment un cinglant communiqué de Manuel Bompard, directeur de campagne de Jean-Luc Mélenchon. Il faut dire que la sortie incontrôlée d’une interview vidéo d’un des porte-parole du processus, Samuel Grzybowski, n’a pas été aidé : la primaire y devient l’outil d’une campagne publique pour empêcher celles et ceux qui ne veulent pas s’y plier de pouvoir se présenter (blocage des parrainages, frein au prêt des banques…).

Nous ne sommes évidemment pas insensibles aux questions d’unité, même électorale, pour peu qu’elles soient posées à partir du contenu politique, stratégie comme programme. Outre des questions de forme démocratiquement déficientes et très « ve République », le principal écueil de la « primaire populaire » reste d’avoir évacué tout débat contradictoire un tant soit peu sérieux, en laissant croire que des héritierEs du hollandisme ou des représentantEs de courants politiques qui ont participé à cette dernière et dramatique expérience de la « gauche » au pouvoir pourraient se regrouper avec celles et ceux qui l’ont combattue, y compris dans la rue.

De ce point de vue, la mise sur orbite de la candidature Taubira, conclusion probable de cette primaire, cristallise à elle seule l’ensemble du problème. Regrouper autour d’une gauche de rupture avec le capitalisme reste donc une nécessité, et la campagne autour de notre candidat Philippe Poutou reste pour nous le meilleur moyen de mener largement les discussions pour y arriver.