Le 14e congrès du FN s’est achevé le 16 janvier par la victoire prévisible de Marine Le Pen dans la course à la présidence du parti. Cette victoire met un terme à 38 années d’un FN exclusivement dirigé par Le Pen père. En outre, elle marque l’échec de l’option proposée par Bruno Gollnisch visant à réintégrer les anciens exclus du parti en insistant sur les fondamentaux de l’extrême droite traditionnelle. Elle souligne par ailleurs le succès de la stratégie de dédiabolisation opérée par Marine Le Pen auprès de militants sans doute également séduits par les victoires électorales de la candidate. Les thèmes mis en avant lors de la campagne interne ont déjà été rappelés au cours d’un discours de clôture aux avant-goûts prononcés de campagne présidentielle.
Présentant le parti comme ultime défenseur de la République1, d’un État fort et de la laïcité, le propos développé depuis déjà quelques années chasse, dans une période de crise, sur les terres traditionnelles de la gauche. Fustigeant « le démantèlement de nos économies et la destruction de nos emplois », Marine Le Pen souligne le rôle qu’elle entend faire jouer à l’État – cité 46 fois ! – dans la lutte « contre l’injustice engendrée par le règne de l’argent-roi ». Elle souhaite éliminer les privilèges, développer les solidarités et remettre cet État entre les mains du peuple au nom de la démocratie... Marchant dans les derniers pas de son père, elle cite Jaurès et dénonce cette « gauche du FMI » qui a trahi. Au nom de ce nouveau cache-sexe au racisme qu’est devenu la « laïcité » dans la bouche de l’extrême droite, elle s’en prend aux musulmans. Après une campagne interne tendue, la fille du menhir rafle 67 % des suffrages exprimés. Cette accession au sommet fait déjà grincer des dents en interne. Dès la proclamation des résultats, Roger Holeindre, co-fondateur du parti et indéfectible soutien à Jean-Marie Le Pen, annonce son départ, tout comme Farid Smahi, soutien de Gollnisch écarté du bureau politique. Loin de calmer les esprits, l’entrée de Laurent Ozon, personnalité proche du Bloc identitaire à la direction du parti, confirme les rapprochements qui pourraient s’opérer entre les deux courants d’extrême droite. Une explosion du FN semble inconcevable pour l’heure. Contrairement à ce qui s’était produit en 1998 avec le départ de Bruno Mégret, Gollnisch, bien qu’ayant refusé d’être le « premier vice-président » a annoncé qu’il n’avait nullement l’intention de quitter le navire de la Marine. S’ils décrochent 42 des 100 sièges du comité central, les partisans du perdant doivent cependant se contenter de 10 places sur 42 au bureau politique. Les emprunts rhétoriques répétés de Marine Le Pen à la gauche, la sympathie dont elle bénéficie dans de nombreux médias ou au sein de l’UMP doivent mettre en garde le monde du travail : malgré un changement d’emballage, le FN demeure bien un parti d’extrême droite d’autant plus dangereux – l’agression d’un journaliste par son service d’ordre est là pour en témoigner2 – qu’une partie de son discours raciste est désormais reprise au plus haut sommet de l’État. Raoul Guerra1. Le point d’orgue étant le final aux accents très gaulliens.2. Commentaire de Jean-Marie Le Pen : « Le personnage en question a cru pouvoir dire que c’est parce qu’il était juif qu’il avait été expulsé… Ça ne se voyait pas ni sur sa carte ni sur son nez, si j’ose dire ». Lire également Tout est à nous ! n° 83 et 84.