Publié le Mercredi 28 février 2024 à 18h00.

Élections européennes : Faux prétextes et vraie discussion

Après trois rencontres, La France insoumise a adressé au NPA un courrier affirmant selon eux que « nos discussions ont fait émerger une série de désaccords [...] trop importants pour garantir notre capacité commune à mener une campagne cohérente ». Pourtant, comme le montrent les nombreuses réactions qui ont suivi, le débat sur les contours d’un rassemblement d’une gauche de combat ne fait que commencer…

Dans son courrier, LFI pointe « une divergence importante à propos de la perspective d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne, sujet qui sera un des principaux thèmes de la future campagne des européennes », nous reprochant de ne pas être « contre ». Nous pensons d’abord qu’il est problématique de faire de cette question un enjeu central de la prochaine campagne, d’autant plus que la position défendue ouvre la voie à l’illusion des frontières qui protègent, fussent-elles celles de l’UE, et au renforcement des courants réactionnaires du repli sur soi. De plus, dans le contexte de l’agression impérialiste russe, nous ne voulons pas être celles et ceux qui tiennent fermée à clé la porte de l’UE, alors que la gauche sociale et politique ukrainienne cherche des points d’appui dans la lutte contre Poutine et le néolibéralisme imposé par le pouvoir ukrainien et les grandes puissances.

Rejetant cette construction européenne capitaliste au sujet de laquelle nous n’avons aucune illusion, nous avons cherché un compromis auquel il ne nous a été opposé qu’un diktat à devoir fermement et clairement nous engager dans cette campagne commune « contre ­l’adhésion de l’Ukraine ». Pourtant, on s’étonnera d’apprendre que la ligne rouge tracée par LFI n’en est pas une ! Dans les discussions avec Génération.s en vue d’un accord, cette question était totalement absente du projet de protocole (Génération.s étant globalement favorable à cet élargissement de l’UE). Par ailleurs, il est évident que si, comme le défendait LFI il y a quelques semaines, une liste de l’ensemble de la Nupes conduite par EÉLV avait vu le jour, sa position n’aurait de toute façon pas pu être celle que porte aujourd’hui LFI…

Choisir la rupture avec le système

Derrière ces faux prétextes, les vraies raisons sont donc à chercher ailleurs. Donner corps à un cadre de rassemblement, même électoral, nécessite un minimum de clarification à gauche. La Nupes s’était construite sur la base d’un rapport de forces issu du succès de la campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon autour d’une ligne de rupture partielle avec le système, d’un programme antilibéral. C’est d’ailleurs ce qui rendait possible l’inscription du NPA dans une campagne commune pour les élections européennes, d’autant plus en l’absence des principales forces de gestion du système.

C’est ce choix entre deux orientations contradictoires à gauche qu’il faut confirmer, convaincu qu’un tel rassemblement viable, stabilisé dans la durée, peut saper les bases du développement de la menace de l’extrême droite. Au-delà du NPA, en portant un mauvais coup contre l’unité, LFI ne prend pas à cette étape ses responsabilités pour initier le rassemblement nécessaire, que rend pourtant urgent la poussée ultra-réactionnaire et fascisante à l’échelle européenne.

Ces discussions, pour avancer vers un regroupement unitaire et radical dans les urnes comme dans la rue, nous voulons les continuer avec toutes les forces — y compris LFI —, avec toutes celles et ceux qui sont orphelins d’une gauche de combat qui dépasse largement nos rangs.

Manu Bichindaritz