Publié le Dimanche 16 mars 2025 à 17h00.

On construit l’Alternative

Depuis près de deux ans, le NPA-L’Anticapitaliste est impliqué, aux côtés d’autres groupes politiques et de militant·es, dans le processus « On construit l’Alternative ». Avec la publication du Manifeste pour une nouvelle force politique démocratique, révolutionnaire et unitaire, pour la justice, la démocratie et toutes les égalités, une nouvelle étape est franchie. C’est le moment pour faire le point sur les avancées et les difficultés du processus et revenir sur le sens de l’engagement du NPA. 

Le 2 juillet 2023, à l’appel de plus de 500 militant·es de différentes organisations — Rejoignons-nous, NPA-L’Anticapitaliste, Ensemble ! — mais aussi et surtout issu·es de différents engagements — féministes, écologistes, antiracistes, anticapitalistes, anti-validistes, anti-impérialistes, etc. — s’est tenu un forum national, comme « première étape qui doit permettre de débattre ensemble des contours d’une nouvelle organisation à construire ». Marqué par l’actualité des mobilisations — contre la contre-réforme des retraites, contre les méga bassines, féministe du 8 mars, en riposte au meurtre de Nahel à Nanterre, etc. — le texte d’Appel à cette rencontre disait : « Le mouvement actuel montre à quel point nous avons besoin à la fois d’unité et de radicalité. L’organisation politique que nous voulons bâtir œuvrera donc également à la construction de fronts sociaux et politiques larges et démocratiques, localement et nationalement, dans la rue, les mobilisations et dans les urnes si les conditions sont réunies, pour combattre les politiques de droite, le néofascisme du RN et toutes les idées et violences d’extrême droite ».

 

Construire l’Alternative 

Depuis, ce cadre commun a permis différents forums nationaux et locaux, des débats-formations thématiques, des prises de position, des appels aux mobilisations.

Surtout, à l’épreuve d’une situation politique mouvante et inattendue, il a réagi d’une même voix en juin 2024 « face à la menace conjointe du néofascisme et du néolibéralisme autoritaire », en rejoignant le Nouveau Front populaire et en appelant « à renforcer un pôle anticapitaliste, autogestionnaire, écologiste, féministe, anti-impérialiste, antiraciste et antivalidiste large et dynamique dans le Nouveau Front populaire en cours de construction et, au-delà des élections ; à partir des luttes et de l’auto-organisation populaires qui sont primordiales pour changer la société ; à construire une nouvelle force politique agissant pour construire une véritable alternative ». Et après les élections législatives, il n’a sous-estimé ni « le danger néofasciste [qui n’est] que temporairement écarté », ni le « projet ultra-libéral, xénophobe et autoritaire » de la droite, tout en restant lucide sur le risque qu’il y aurait à « laisser les directions de partis de gauche gérer seules cette crise démocratique et l’exercice du pouvoir » et en appelant « partout, des assemblées populaires et antifascistes [qui] doivent se réunir et organiser la pression populaire, des manifestations, des grèves, pour que s’applique le programme d’urgence du NFP ». 

 

Un pôle unitaire et révolutionnaire

« Faire gagner le Nouveau Front populaire et construire l’Alternative » n’a pas été seulement l’intitulé de la soirée du 27 juin avec Olivier Besancenot (NPAA), Annick Coupé (militante syndicale et associative), Alexis Cukier (Rejoignons-nous), Marjorie Keters (Peps), Mimosa (Les Inverti·es), Jean-François Pellissier (Ensemble !), Omar Slaouti (militant antiraciste), Ritchy Thibaut (Peps). C’est une orientation politique qui allie la participation à la campagne du NFP et la volonté de construire une nouvelle force politique « qui puise sa force dans l’auto-organisation des luttes et l’enthousiasme d’un autre monde que nous voulons bâtir », « un pôle anticapitaliste, écologiste, féministe, antiraciste, internationaliste et antivalidiste dont nous avons besoin, au sein de la gauche ». Dit autrement unitaire et révolutionnaire !

Cet accord politique est substantiel et précieux, il fait la différence, tant avec ceux qui se vivent comme l’embryon du parti révolutionnaire et n’ont aucune préoccupation au-delà de leur propre auto-construction, qu’avec d’autres groupes qui se retrouvent aujourd’hui avec l’Après et poursuivent toujours la chimère de l’unité de toute la gauche, y compris sociale-libérale.

Cet accord politique important a permis d’engager ensemble le travail d’élaboration d’un « Manifeste pour une nouvelle force politique démocratique, révolutionnaire et unitaire, pour la justice, la démocratie et toutes les égalités ». Ce document, qui est une invitation à débattre et à réfléchir ensemble, analyse la situation et fait des propositions pour rompre avec le système actuel, pose les questions stratégiques et avance des réflexions et propositions pour une organisation démocratique et autogestionnaire. Impossible de résumer un texte très (sans doute trop) long, mais structuré et présenté de manière particulièrement claire et accessible sur le site forum alternative1 de manière à mettre en évidence les analyses, les luttes et les propositions.

 

Un socle politique solide pour construire

Dans l’analyse de la situation, l’accent est mis sur la conjonction des catastrophes écologiques provoquées par un capitalisme écocide, des attaques capitalistes contre les droits sociaux, les conditions de vie des plus précaires et les acquis des travailleur·ses, le patriarcat, l’islamophobie et le racisme d’État, l’impérialisme et le processus de fascisation. Les propositions reprennent en grande partie les exigences portées par les mobilisations et les inscrivent dans une logique intersectionnelle contre toutes les dominations et dans une perspective de rupture avec le capitalisme et le productivisme, celle d’une décroissance globale mais différenciée entre les pays du Nord et ceux du Sud global.

La partie « Pour changer le monde, on fait comment ? » prend à bras le corps les questions stratégiques tant à partir de l’héritage de celles et ceux qui dans le passé ont lutté et réfléchi pour l’émancipation et la défense du vivant, que d’une nouvelle culture politique qui s’invente dans les luttes et se distingue par le refus de la délégation de pouvoir et des hiérarchies, le rejet des dominations (genre, classe, race, validité, etc.) et des violences autoritaires, une aspiration profonde à l’auto-organisation, à la démocratie directe, à la délibération collective et à l’intersectionnalité des luttes. Elle aborde les questions essentielles que se posent tou·tes celles et ceux qui veulent changer le monde. 

Qui peut faire la révolution, dit autrement : quel est le sujet politique de la transformation sociale, écologique et démocratique ? Alors qu’il n’y a pas de « sujet révolutionnaire unique et prédéfini », et qu’il faut donc construire une « nouvelle hégémonie collective », la réponse à cette interrogation impose de repartir de l’analyse du capitalisme comme reposant « sur l’appropriation et l’exploitation du travail, mais également sur des systèmes de domination imbriqués qui maximisent son profit tout en légitimant ses mécanismes d’oppression ». « Ainsi, celleux qui s’opposent à l’exploitation du travail, à la destruction de la nature et aux différentes formes de domination sont tou·tes des sujets potentiels du ‘‘mouvement réel qui abolit l’état actuel des choses’’ ».

 

Une stratégie révolutionnaire pour le 21e siècle

L’État, qui « soutient et reproduit les logiques capitalistes », doit être « dépassé et transformé en une structure radicalement démocratique et autogérée » en s’appuyant sur « un processus constituant par en bas ». L’objectif est « la construction de nouvelles formes de pouvoir populaire, pour reprendre collectivement le contrôle sur nos conditions de vie, et des mécanismes de contrôle citoyen pour prévenir toute dérive oligarchique ».

À la question classique : réformes ou révolutions ?, le Manifeste répond « nous optons pour une approche révolutionnaire comprise comme un processus continu, ou révolution longue. Cela ne signifie pas un rejet des réformes. […] Les réformes doivent être des points d’appui pour les luttes futures, non des fins en soi ». Si « les révolutions ne sont pas des raccourcis », « elles constituent des moments d’exacerbation des luttes sociales, où le conflit entre les dominants et les dominé·es atteint son paroxysme », elles sont « nécessaires pour résoudre les situations de double pouvoir, lorsque les institutions capitalistes entrent en confrontation avec des formes émergentes de pouvoir populaire. Ces moments décisifs permettent de transformer la société en profondeur, en redistribuant le pouvoir et les ressources », une rupture essentielle étant « l’expropriation des capitalistes et la propriété sociale des moyens de production, d’échange et de communication », la socialisation comprise comme la « gestion démocratique et collective, ancrée dans les besoins des populations et du vivant ». Le Manifeste n’esquive pas la question de la violence parce que « la violence structurelle du système capitaliste et patriarcal ne peut être surmontée que par d’intenses mobilisations populaires, incluant le recours à l’action extra-légale, à la désobéissance de masse et à l’autodéfense armée quand elle est clairement nécessaire et légitime ». Il réaffirme que « notre internationalisme reconnaît et soutient le droit à la résistance, armée et non armée, face aux agressions et guerres impérialistes et au colonialisme » mais insiste aussi sur la nécessité d’apprendre « à allier dans toutes nos luttes autodéfense, soin, efficacité et émancipation ».

Une large part est donnée à ce que serait « une organisation politique aux formes et pratiques nouvelles ». À partir du constat que « les forces politiques qui prétendent représenter les plus opprimé·es, […] échouent à les inclure réellement dans leurs rangs et à leur garantir une participation égalitaire et active », une nouvelle organisation devrait rompre tant avec l’avant-gardisme qu’avec l’électoralisme, refuser la professionnalisation et la bureaucratisation, et refléter dans son fonctionnement « les valeurs qu’elle défend : inclusion, égalité, solidarité et pluralisme ». Les principes fondamentaux proposés sont parfois évidents (parité, non-cumul, transparence…), parfois matière à discussions et questionnements salutaires (mode de décision, mandat impératif, double appartenance…).

Le Manifeste se conclut avec des propositions pratiques pour avancer vers une nouvelle organisation politique, révolutionnaire et unitaire. Dans un premier temps, la mise en discussion du texte à l’échelle locale, régionale ou nationale et un forum national le week-end du 10-11 mai, et au-delà l’engagement d’un processus constituant. 

 

La place et le rôle du NPA

Nous construisons notre parti, non comme un but en soi, mais comme un outil pour une force politique plus nombreuse, capable de peser plus efficacement sur la situation, à la fois révolutionnaire et unitaire, démocratique et accueillante, mieux implantée et active dans les quartiers populaires, sur les lieux de travail et dans la jeunesse, plus liée aux luttes et mouvements sociaux. À sa fondation nous avions l’espoir que le NPA représente un pas en avant important dans ce sens. Pour différentes raisons qui tiennent à la fois aux conditions politiques dans lesquelles nous l’avons construit, à nos faiblesses et à nos erreurs, il n’en a pas été ainsi.

Aujourd’hui, la gravité de la situation rend chaque jour plus impérieuse la nécessité d’une telle force. 

Pour faire front face au danger croissant de l’extrême droite et de l’autoritarisme néolibéral, l’unité sociale et politique des exploité·es et des opprimé·es est indispensable. Cette unité fragile, sans cesse menacée par la concurrence et le sectarisme a besoin d’être pensée et construite avec opiniâtreté. Pour cela, elle a besoin d’un outil politique, capable de mettre les intérêts généraux au-dessus de ses intérêts boutiquiers. 

La montée généralisée des régimes néofascistes, d’extrême droite, autoritaires, libertariens, impérialistes, racistes, antiféministes et anti-LGBTI, climato-négationnistes… prospère sur la crise de civilisation du capitalisme, crise d’un capitalisme à bout de souffle, crise écologique et climatique, crise démocratique, bouleversement géostratégique… un chaos qu’elle ne fait qu’aggraver. Mais elle se nourrit aussi de l’absence d’une alternative politique émancipatrice, une alternative qui ne peut être que globale, en rupture radicale avec ce système d’appropriation, d’exploitation, de destruction, de domination et d’aliénation, de l’ensemble de nos vies et du vivant dans son ensemble. Il y a donc urgence à incarner, à faire vivre cette alternative et pour cela à regrouper les forces capables de la porter.

 

Prendre nos responsabilités

Sur ces deux points essentiels, les échanges, les débats, les pratiques montrent un profond accord, une compréhension communes de la période et des tâches entre celles et ceux qui se retrouvent dans le processus « On construit l’Alternative ». Ce sont des bases solides. 

Aujourd’hui, les forces qui se réclament de la rupture anticapitaliste sont faibles et morcelées. Les organisations impliquées dans l’Alternative – NPA-L’Anticapitaliste, Égalités, une partie d’Ensemble !, PEPS – sont petites. Le NPA, de par sa place, a une responsabilité forte dans cette démarche. Il est disponible pour se dépasser, avec la volonté de « faire parti », bien au-delà des seul·es militant·es aujourd’hui organisé·es, avec les animateur·ices des mouvements sociaux qui inscrivent leur action dans la perspective d’une transformation révolutionnaire de la société. 

Le défi qui est devant nous est de combler l’écart énorme existant entre d’une part, nos forces actuelles et d’autre part, le nombre et la diversité infiniment plus importantes, de celles et ceux qui pourraient se reconnaître dans ce projet et sont indispensables à sa réussite. Il s’agit de convaincre de son utilité et de faire la preuve que chacun·e pourra y prendre toute sa place. Il n’existe pas de raccourci, mais des étapes, à franchir ensemble pour construire solidement et durablement. Cela suppose de prendre des initiatives en direction d’organisations qui sont à ce jour hors du processus, comme la GES ou l’UCL, mais sont traversées par les mêmes questions et aspirations, de faire connaître et débattre le Manifeste, de multiplier les rencontres et discussions et évidemment d’agir ensemble. 

Le résultat dépendra largement de la lutte des classes réelle, des mobilisations. Mais nous devons nous y atteler, être audacieux·ses et décidé·es, convaincu·es que c’est indispensable et possible.