Les rebondissements successifs de la présidentielle révèlent une crise sans précédent des institutions et des partis qui leurs sont liés.
La droite semblait avoir trouvé son champion. Fillon avait emporté la primaire en bénéficiant du rejet de Sarkozy qui apparaissait comme le plus mouillé dans les affaires, le plus acoquiné avec les milieux financiers. Le vainqueur avait aussi réussi à mobiliser la fraction la plus réactionnaire de l’électorat de droite en jouant sur son image de père-la-morale. Et c’est ce même Fillon qui se prend les pieds dans le tapis (de luxe)...
Un scandale « normal »
Emplois fictifs, népotisme, appropriation d’argent public, conflits d’intérêts, trafic d’influence... chaque jour apporte une pièce supplémentaire à la panoplie complète de la délinquance-propre-sur-elle. Pénélope Fillon payée 8 000 euros par mois pour un emplois dans lequel personne ne l’a vue, puis les enfants étudiants en droits payés entre 4 000 et 5 000 euros, alors que la rémunération moyenne des assistantEs se situe autour de 2 000 euros.
Le pire est qu’il serait presque sincère quand il crie au complot tant cela lui semble normal. Normal d’employer femme et enfants ? 20 % des députés, de tous les groupes, emploient comme assistantEs des membres de leur famille, à tel point qu’il est désormais interdit d’en employer plus d’un ! Normal de disposer de 12 800 euros par mois d’indemnité et de 9 561 euros d’enveloppe pour les attachés parlementaires. Normal aussi sans doute de se partager la « ristourne », ce fond commun des sénateurs UMP.
Vous avez dit « oligarchie » ?
L’affaire Pénélope Fillon, mais aussi celle du groupe FN au Parlement européen (plus d’un million d’euros) et toutes celles qui ont touché des élus PS, LR ou FN... sont la partie (rendue partiellement) visible de la façon dont les élus usent et abusent des fonds publics. Le plus frappant reste le silence ou la compréhension des autres groupes politiques bien conscients que c’est tout le fonctionnement du système parlementaire de la 5e République qui est mis en cause par une pratique « légale ». Ce scandale montre pourtant l’urgence de mesures élémentaires pour limiter la rémunération des élus au salaire moyen d’un employé ou d’un ouvrier, pour interdire le cumul des mandats limités à deux consécutifs dans la même fonction, pour en finir avec le Sénat, cette assemblée de notables élus par des notables.
Les révélations sur la famille Fillon ont aussi mis sur le devant de la scène, à la faveur de la généreuse rémunération de Pénélope Fillon pour sa « collaboration » à la désormais fameuse Revue des deux mondes, Marc Ladreit de Lacharrière, financier, ami de Chirac, Sarkozy et Hollande, conseilleur de l’UMP-LR et du PS depuis des années... Un homme qui à lui seul illustre parfaitement le mot oligarchie. Et Pénélope n’est pas la seule à être très occupée : François a aussi une société de conseil, dont le premier client est le groupe Ricol Lasteyrie qui conseille de nombreuses sociétés du CAC 40 et multinationales (Air France, Alstom, BPCE, EDF, Engie, Altran…). L’imbrication des pouvoirs politiques et financiers est totale.
« On ne résout pas les problèmes avec les modes de pensée qui les ont engendrés » (Albert Einstein)
Tout le système politique reposant sur les institutions de la 5e République est ébranlé. La droite est dans une situation critique. Du côté du Parti socialiste, après l’abandon de Hollande puis la défaite de Valls, la victoire de Hamon accélère l’éclatement du PS.
Les politiques néolibérales dévorent le personnel politique qui les impose aux populations. Les partis institutionnels qui ont administré les politiques d’austérité sont totalement discrédités au profit de candidats se prétendant « hors système », voire « antisystème ». Le Pen et Macron en profitent. Cette élection présidentielle peut nous mener au pire, entre l’extrême droite et la droite extrême, ou à Macron, un remède qui empirerait le mal.
Avec les militantEs pour le climat, les opposantEs à la loi travail, les soutiens des migrantEs, les féministes, les altermondialistes, nous voulons trouver une issue. Nous ne sortirons pas de cette situation catastrophique avec les outils qui nous y ont conduits. Les exploitéEs et les oppriméEs sont aujourd’hui à la merci des manœuvres politiques des partis qui prétendent les représenter. Nous représenter nous-mêmes, construire nos propres outils politiques, élaborer notre programme à partir des exigences portées par nos luttes, voilà ce que nous pouvons et devons impérativement faire ensemble. Il n’y aura ni raccourci ni sauveur suprême.
Christine Poupin