Le projet de loi de « transformation de la fonction publique » est examiné à l’Assemblée nationale depuis le lundi 13 mai, après une journée nationale de grève et de manifestations à l’appel des 9 organisations syndicales de la fonction publique. Et les raisons sont grandes pour combattre cette nouvelle loi.
Sur l’air bien connu de la « modernisation », pour prétendument rendre la fonction publique « plus attractive et plus réactive », le projet de loi de « transformation de la fonction publique » a été présenté le 27 mars au conseil des ministres et est, depuis, le 13 mai discuté à l’Assemblée nationale. Le gouvernement a décidé, comme à son habitude depuis deux ans, de passer en force et rapidement, puisqu’il prévoit une adoption du texte par le Parlement d’ici l’été et une application au 1er janvier 2020. Et pour que son projet de loi de destruction de la fonction publique soit soutenu par la majorité de la population, ce gouvernement use depuis des mois du fonctionnaire bashing : sur leurs privilèges incroyables, leur emploi à vie, leur rémunération ou encore leur temps de travail.
Il est fini le temps des fonctionnaires
Les 33 articles que comporte cette loi ne sont ni plus ni moins qu’un arsenal sans précédent contre les droits des agentEs, mais aussi plus globalement contre l’ensemble de la population. Si cette loi passe, le statut ne sera dans quelques semaines qu’un lointain souvenir. En effet, le projet de loi prévoit que les emplois seront occupés par des contractuelEs, y compris pour des postes de hauts fonctionnaires, qui seront recrutés en CDI ouvrant ainsi les vannes d’un recrutement clientéliste, politique ou relationnel, avec la recherche assumée de recrutement de « profils venus du secteur privé » sur des « postes à haute responsabilité ». Avec les risques d’assujettissement et de conflits vis-à-vis des intérêts privés…
Pour les autres agentEs, ce seront des contrats de mission qui pourront aller de un an à six ans maximum pour des missions très précises et n’ouvrant ni sur un CDI et encore moins sur une titularisation. Ainsi, avec les articles concernant le recrutement, ce projet de loi met fin à la fois au statut général de la fonction publique, qui permet au fonctionnaire d’exercer ses missions sans pression politique ou financière et de rendre un service équitable pour touTEs, et ouvre la voie à une fonction publique de métiers et non plus de carrière.
Mais ce n’est pas tout puisque, pour le gouvernement, il faut aussi se débarrasser des fonctionnaires pour pouvoir externaliser, privatiser, supprimer des missions de service public. C’est ainsi que le projet de loi prévoit également tout un arsenal de mesures imposant la mobilité forcée, des départs volontaires, des détachements d’office et, cerise sur le gâteau, il est même prévu une rupture conventionnelle, pour les contractuelEs dans un premier temps, qui sera élargi très rapidement aux fonctionnaires.
Marche ou crève
Si la question du statut est mise sur le devant de la scène, le projet de loi s’attaque également à la rémunération des fonctionnaires avec la mise en place de la « rémunération au mérite ». Et là, c’est encore la casse à tous les étages car, selon le gouvernement, l’indiciaire est trop important et il faut donc introduire de l’aléatoire donc la rémunération au mérite. Et évidemment, le tout accompagné de la même musique : celle de la baisse de la dépense publique. Au lieu de réinstaurer l’ISF, d’en finir avec les cadeaux fiscaux qui n’avantagent que les plus riches, le gouvernement trouve donc, avec la rémunération au mérite, un moyen sans précédent d’abaisser la rémunération de la majorité des agentEs. Elle est pas belle la vie ? Et pour parfaire le tout, le pouvoir s’attaque également aux instances représentatives, en supprimant les CHSCT et en vidant de leur sens les Commissions administratives paritaires, qui permettent aux agentEs de pouvoir se défendre.
Combattre ce projet de loi : un enjeu de société
Face à ce projet de loi, l’ensemble des organisations syndicales de la fonction publique ont appelé (très tardivement) à une journée de grève nationale le 9 mai. Cette journée est évidemment importante, puisqu’elle a été organisée dans l’unité, mais de nombreuses divergences existent dans cette intersyndicale. Les stratégies sont très différentes, entre ceux qui, depuis le début, bataillent pour le retrait, et d’autres pour l’intégration de leurs amendements. Il n’est pas certain que l’intersyndicale nationale de la fonction publique, qui se réunira le 16 mai prochain, organise une nouvelle journée de grève nationale. Une erreur qui risquerait de peser durablement… Car, avec ce projet de loi, le gouvernement va mettre en place un nouveau projet de société où tout ou presque sera aux mains du privé, de la concurrence, de la finance. De nombreuses mobilisations ont lieu dans différents secteurs comme dans l’éducation nationale, à l’hôpital, chez les territoriaux ou dans les finances publiques, et c’est tant mieux. Et là aussi, il y a urgence à ce qu’il y ait une convergence la plus large possible avec les agentEs du public, les salariéEs du privé et les Gilets jaunes, car une société sans services publics est une société plus inégalitaire. L’enjeu est donc de taille. L’ensemble des organisations syndicales nationales le comprendront-elles ? Rien n’est moins sûr.
Joséphine Simplon