David Pujadas voulait sinon offrir une tribune à Marine Le Pen, du moins utiliser son effet médiatique en l’invitant pour la cinquième fois à « Des paroles et des actes », tout juste quatre jours avant l’ouverture de la campagne officielle des régionales. Si lui n’a pas réussi son coup, Marine Le Pen a, elle, pu se payer sans débourser un euro une bonne campagne de pub...
C’était prévisible, l’invitation lancée par Pujadas a déclenché les réactions des autres candidats du Nord-Pas-de-Calais, du CSA et, plus inattendue, une réaction conjointe de Cambadélis et Sarkozy dont les amis ont eu du mal à comprendre le geste... Quoi qu’il en soit, Marine Le Pen a eu beau jeu de dénoncer la campagne orchestrée par la droite et le PS, ladite « UMPS », pour la censurer, poser à la victime du système et refuser la solution bricolée par Pujadas et France 2.
Le Pen a refusé la « mascarade » : « Parce que je représente des millions d’électeurs français qui ont droit à la considération et au respect du service public, à moi, M. Pujadas, on n’impose rien. Surtout quand ces changements de dernière minute visent à obéir aux caprices du système UMPS ». Et d’annuler au dernier moment sa participation pour mieux s’imposer au centre du barnum politique où les uns et les autres lui servent les plats.
Deux jours avant cette pantalonnade, le 20 octobre, se tenait au tribunal correctionnel de Lyon son procès. Elle était en effet poursuivie par quatre associations antiracistes pour incitation à la haine raciale à cause des propos qu’elle avait tenus le 10 décembre 2010 : « Il y a dix ou quinze endroits où de manière régulière un certain nombre de personnes viennent pour accaparer les territoires. Pour ceux qui aiment beaucoup parler de la Seconde Guerre mondiale, il s’agit de parler d’occupation (…). Certes, il n’y a pas de blindés, il n’y a pas de soldats, mais c’est une occupation tout de même. »
La justice complaisante
Le Pen a retourné le procès en sa faveur, avec la complaisance tant du procureur de la République que du président du tribunal. « Je n’entends pas du tout me soumettre aux offensives judiciaires du gouvernement », a-t-elle lâché à son arrivée. La juxtaposition des termes « prières sur la voie publique » et « occupation » ne relèverait que de la simple « figure de style de meeting »... Le procureur de la République a repris à son compte les conclusions déposées par la défense et a plaidé en faveur de la relaxe. Les déclarations de Marine Le Pen relèveraient de la simple la liberté d’expression !
Quant au président du tribunal, il a choisi de placer le jugement en délibéré au 15 décembre, soit deux jours après le second tour des élections régionales. Une décision de justice n’allait quand même pas perturber la campagne...
Les faux-semblants tombent : l’extrême droite, qui a toujours bénéficié de connivences avec une partie de la droite dont bien des dirigeants y ont fait leur premières armes, ne fait-elle pas aujourd’hui partie du système qu’elle prétend dénoncer ? Le FN partage avec les autres partis institutionnels, le patronat comme les grands médias, le même mépris du monde du travail, comme il vient encore de le montrer en reprenant à son compte les violentes condamnations des salariés d’Air France. Les inhibitions levées, une large fraction du monde bourgeois s’empresse de reconnaître dans le FN un garant tout à fait acceptable de leur ordre, et de lui servir les plats en prévision de ses futurs succès électoraux.
Yvan Lemaitre