Publié le Mercredi 9 octobre 2024 à 11h00.

Gagner pour nos retraites grâce au RN, vraiment ?

Le Rassemblement national a déposé le 18 septembre une proposition de loi pour revenir sur la réforme des retraites. La question de voter pour ou contre n’est probablement pas la meilleure façon de prendre le problème. Mais c’est ce débat qui va agiter les groupes de députéEs du Nouveau Front populaire mais aussi les organisations syndicales.

Ce débat nous intéresse car il cristallise la manière dont notre camp social lutte contre le fascisme. La proposition de loi du Rassemblement national « visant à restaurer un système de retraite plus juste en annulant les dernières réformes portant sur l’âge de départ et le nombre d’annuités » sera débattue le 31 octobre. L’exposé des motifs fait référence à « une contestation sociale d’une ampleur exceptionnelle » et reprend à son compte les arguments avancés lors de la mobilisation : « Ces dispositions pèsent particulièrement sur les travailleurs les plus vulnérables, ceux qui ont commencé à travailler tôt, ceux ayant une carrière dite “hachée”, particulièrement les femmes, ainsi que ceux exerçant des métiers pénibles ».

Les députés du RN reviennent également sur la procédure d’adoption qu’ils jugent illégitime. Et sur les questions de financement, leur positionnement est clairement social : dénonçant l’inefficacité économique de la réforme, le transfert des dépenses vers les assurances maladie et chômage, ils proposent une taxe additionnelle sur les transactions d’actions pour financer le maintien à 62 ans avec 42 annuités. Objectivement, il n’y a pas de raison de ne pas voter ce projet de loi.

Quand le RN dévoie les aspirations sociales…

Évidemment, la proposition de loi du RN est maline : elle se place clairement dans le champ social de la gauche, évite complètement de donner des arguments permettant de légitimer un vote « contre ». Les manœuvres et positionnements de ce parti entre le mouvement de 2023 et les législatives de 2024 montrent bien à quel point ce dernier est opportuniste. Néanmoins, cette proposition de loi est aussi le reflet des aspirations sociales de toute une partie de l’électorat d’extrême droite dont les motivations ont aussi à voir avec la dégradation des conditions de vie des classes populaires au côté des positionnements sexistes, LGBTIphobes et même racistes.

Évidemment, il ne s’agit pas de minimiser ces fondamentaux de l’idéologie d’extrême droite bien au contraire : leur proposition de loi ne change rien au fait que le RN et les fachos soient le pire ennemi des travailleurEs, des personnes racisées, des femmes, des LGBTI. Leur soutien à Retailleau, ministre de l’Intérieur, issu de l’extrême droite de Philippe de Villiers, est là pour nous le rappeler. La place du RN dans le jeu institutionnel, cette capacité à couvrir le champ social tout en assumant un discours raciste et autoritaire nous rappellent avec angoisse le tournant des années 1930.

Clivage capital-travail

A priori, la position du NFP est plutôt de voter contre sur la base d’arguments très institutionnels : la proposition de loi du RN ne pourrait aboutir faute de relais au Sénat, le NFP dispose également de niches parlementaires fin novembre pour déposer sa propre proposition de loi…

La CGT, de son côté, a communiqué après un échange avec les députéEs du NFP en apportant son soutien à la volonté d’un « processus pour gagner l’abrogation » d’ici à début 2025. Elle a également proposé à Barnier une conférence sur le financement des retraites, proposition reprise par les députéEs NFP. Du côté syndical, donc, après la faible mobilisation du 1er octobre, l’ambiance n’est pas non plus très combative.

Le débat qui va avoir lieu autour de la proposition de loi sur les retraites sera finalement beaucoup plus important que les votes eux-mêmes. Ce qui se joue dans les semaines à venir, c’est la capacité du mouvement social (syndicats et associations ou collectifs antiracistes, féministes et LGBTI) et des partis politiques à réaffirmer à une échelle de masse le clivage face à l’extrême droite dans un front unique sans exclusive des organisations progressistes. Mais ce qui sera aussi déterminant, c’est notre capacité à réaffirmer un clivage de classe, à remettre au centre l’affrontement avec le patronat et ce gouvernement clairement à son service. Les organisations syndicales et les organisations politiques de la gauche qui se positionnent contre le système portent cette responsabilité, de la CGT à la France Insoumise, en passant par le NPA-l’Anticapitaliste.

Elsa Collonges