Hamon vit sans aucun doute la pire campagne présidentielle de la 5e République. Les trahisons des siens sont quotidiennes et parachèvent ainsi l’éclatement du PS commencé au début du quinquennat Hollande.
Les socialistes ne sont jamais tendres entre eux, surtout en période d’élection présidentielle. Ségolène Royal, la candidate de 2007 en avait elle aussi fait les frais mais rien à voir avec ce qu’est en train de vivre Hamon.
Jusqu’au bout de la clarification, donc du reniement...
Alors que le vainqueur de la primaire avait indiqué qu’il travaillerait « au rassemblement de sa famille », on peut dire que « sa famille » l’a bien trahi, y compris ceux qui avaient juré du contraire. L’appel de Valls à voter Macron a enfoncé le clou de la trahison, après ceux déjà enfoncés par Le Drian, Pompili et bien d’autres. Mais tout cela n’est pas vraiment une surprise. C’est la conclusion logique du quinquennat Hollande, qui, semaine après semaine, a rompu avec son électorat « traditionnel » en menant une politique de droite : l’austérité pour les plus pauvres et les cadeaux fiscaux pour les plus riches. En nommant Valls Premier ministre, puis un banquier à l’économie, en reprenant à son compte une vieille revendication du FN comme la déchéance de la nationalité, en faisant adopter sa loi travail par la force en utilisant par trois fois le 49.3... Et la liste est encore longue !
Tout au long de ce quinquennat, Hollande tout comme Valls ont tourné le dos à la « synthèse » si chère au PS, et ont défendu avec hargne une clarification de la ligne du PS – d’un côté les « modernes » et de l’autre les « archaïques » – allant jusqu’à la fracturation, la liquidation officielle du parti du congrès d’Epinay, en torpillant leur propre candidat. Et Valls tout comme Hollande semblent, aujourd’hui, proches de leur but, soutenus à demi-mot par Cambadélis qui est prêt à ce que le PS travaille avec le président Macron !
Tout ça pour ça ?
Lors des primaires du PS et de ses quelques satellites, Hamon a voulu se démarquer de la politique de ce quinquennat et en particulier de celle menée par Valls, son principal concurrent. Mais il a dû changer de cap rapidement pour tenter de rassembler la « famille ».
Pour cela, il n’a eu de cesse d’adresser des « preuves d’amour » dans ses meetings, défendant le bilan du quinquennat, en matière de santé, le « compte pénibilité », le « compte personnel d’activité », les « postes de policiers » créés depuis cinq ans... Et pas d’inquiétude, il ne veut pas plus « renégocier la dette de la France », mais seulement « mutualiser » les dettes européennes.
Hamon a même fait ovationner Hollande ou Le Drian (entre autres)… Mais rien n’y aura fait, les couteaux étaient bel et bien sortis, et les lames déjà aiguisées. La conséquence, c’est aussi que Hamon a déjà renié ses maigres promesses... avant même d’avoir été élu, et qu’en refusant clairement la rupture avec le bilan de ces cinq dernières années, il brouille encore plus les esprits d’un électorat désenchanté, qui se tourne vers Macron et désormais vers Mélenchon.
Quel leadership, pour quelle gauche ?
Portés par une réelle dynamique et des sondages au beau fixe plaçant Mélenchon loin devant Hamon et à un cheveu de Fillon, la « France insoumise » est sur un petit nuage et du coup nous refait le coup bien connu de la gagne pour pousser au vote utile à gauche... « On peut gagner cette élection », a ainsi assuré Raquel Garrido. Et Mélenchon ne semble plus avoir qu’un seul objectif : « rattraper Fillon », considérant désormais Hamon comme un sujet secondaire... Rappelons tout de même qu’il y a cinq ans, à peu près à la même époque, Mélenchon, alors candidat du Front de gauche, était également crédité entre 12 % et 15 % selon les sondages…pour faire au final 11 %. Mais il est aussi vrai que jamais le candidat officiel du PS n’a été crédité aussi bas.
Au-delà de cette élection dont l’ordre d’arrivée reste incertain, l’enjeu reste pour Mélenchon et Hamon la bataille pour le leadership de la gauche. Hamon et les « frondeurs » espèrent depuis longtemps refonder la gauche, en y incluant les écologistes, les communistes et même les militants du Parti de gauche... à condition que le PS reste hégémonique, ce qui n’est pas vraiment le cas aujourd’hui. Mélenchon, lui, a tiré un trait définitif sur son ancien parti, et son affaiblissement est vu comme une très bonne nouvelle lui ouvrant des perspectives de refondation à partir de la « France insoumise », ce qui l’amène d’ailleurs à chasser sur des terres qui ne sont pas qu’à gauche... Reste à construire une gauche anticapitaliste et internationaliste, ce qui n’est visiblement le souci ni de l’un ni de l’autre.
Sandra Demarcq