Publié le Mercredi 29 mai 2024 à 08h54.

Guerre sociale, capitalisme subventionné : c’est qui les assistés ?

Sans surprise, le gouvernement poursuit son offensive sur le front social. Attal vient de confirmer le 26 mai le tour de vis supplémentaire sur l’assurance chômage qui entrera en vigueur, par décret bien entendu, le 1er décembre. À moins que la rue ne le fasse reculer…

 

«Nous ne devons pas caler sur la route du plein-emploi », plaide le Premier ministre, à rebours de tous les indicateurs économiques. Plus de 132 plans de licenciements ont eu lieu en un an, plus de 60 000 emplois sont menacés, et le nombre de licenciements économiques a augmenté de 15 % début 2024… 

La politique sociale et économique du gouvernement est un fiasco ! Mais celui-ci ne saurait l’admettre, comme il n’a pas accepté son échec avec le dépassement du déficit du budget de l’État au-dessus des 5 %. Celui-ci lui sert désormais de prétexte pour couper (encore) dans les financements publics, notamment en matière d’écologie mais aussi de services publics comme l’éducation, la santé, le logement… Encore ! 

En campagne antisociale

À quelques jours du scrutin européen, Attal espère peut-être changer la réalité par son discours performatif, afin de limiter sa probable déroute électorale. C’est donc à Catherine Vautrin que revient d’ouvrir la campagne sur cette énième réforme antisociale… en nous la présentant comme une mesure indispensable. « On a un modèle social qui n’est pas suffisamment incitatif au retour à l’emploi », explique la ministre du Travail le 27 mai sur BFMTV, puisque, plus de 300 000 emplois n’auraient pas trouvé preneur selon elle. 

Doublé gagnant puisqu’au passage l’État vise 3,6 milliards d’économies sur l’assurance chômage, soit 10 % des dépenses de l’État. Une économie faite non pas sur le budget de l’armée ou sur le train de vie de l’État lui-même, mais sur la protection sociale, c’est-à-dire nos cotisations et notre salaire socialisé, notre bien commun.

Augmenter les salaires, renforcer la protection sociale des salariéEs ne fait effectivement pas partie du modèle « social » du gouvernement ! C’est pourtant celui de notre camp social.

Pression sur les salaires

Ainsi, le projet de réforme prévoit de faire passer le seuil d’affiliation de 6 mois de travail sur 24, à 8 mois sur 20. Attal a annoncé le recul de l’âge permettant une indemnisation plus longue en fin de carrière. Le gouvernement prévoit aussi de lier durée d’indemnisation et taux de chômage. La durée d’indemnisation, déjà réduite de 25 % en 2023, pourrait l’être de 40 % si le taux de chômage descend sous les 6,5 %... Cette réforme aura des conséquences immédiates et terribles sur les jeunes, les femmes, celleux qui subissent la précarité de manière permanente. 

Pour « inciter » au retour à l’emploi, le gouvernement fait pression sur les salariéEs privés d’emploi pour qu’ils acceptent de travailler aux conditions voulues par l’employeur ! Après les cadeaux fiscaux, les exonérations de cotisations sociales, les contrats en alternance subventionnés, le gouvernement offre (encore !) deux cadeaux au patronat : une main-d’œuvre captive et peu chère et la casse à moyen terme de notre ­protection sociale mutualisée ! Comme pour le système de santé ou des retraites, briser l’assurance ­chômage, son efficacité, ses leviers de solidarité, est indispensable pour le gouvernement ! La vendre à la découpe, c’est d’une part ouvrir à la marchandisation et à la financiarisation, et d’autre part retirer une arme, conquise de haute lutte après-guerre (voir page 7), à notre camp social.

Un système à bout de souffle

Présenter les travailleurEs les plus pauvres et les plus précaires comme des assistéEs pour mieux masquer que c’est l’ensemble du capitalisme en France, en Europe et partout dans le monde qui, depuis la crise de 2007-2008, est assisté, subventionné par des financements publics, des cadeaux fiscaux… dont les dettes elles-mêmes sont prises en charge, avec le soutien des systèmes coloniaux qui affament et oppriment une bonne partie de l’humanité. 

C’est à une autre répartition des richesses, sans exploitation ni inégalités, que nous aspirons. Et, oui, c’est possible ! C’est possible d’« inciter au retour à l’emploi », en augmentant les salaires et en gardant une protection sociale mutualisée en l’améliorant, en la mettant sous le contrôle des travailleurEs mobilisés, organisés, ensemble, en harmonisant par le haut au niveau européen (voir page 5). Oui, c’est possible d’inventer un système économique qui produit autre chose que des inégalités, des guerres, des catastrophes. Dès maintenant, nous devons nous préparer à faire « caler » le gouvernement sur sa réforme de l’assurance chômage… et tout le reste !