La victoire de François Hollande aux primaires socialistes n’est ni une surprise ni un signe de changement. Ces primaires sont néanmoins éclairantes, notamment sur les aspirations du peuple de gauche. C’est donc sans trop de surprises que François Hollande a été désigné candidat socialiste à l’élection présidentielle. Sans doute a-t-il su mieux que ses rivaux et ses rivales imposer sa candidature comme une évidence : un candidat normal pour une alternance… normalement social-libérale. Il n’en reste pas moins que le déroulement des primaires comme leurs résultats éclairent les interrogations et les aspirations qui parcourent le peuple de gauche.
Le premier phénomène notable est, bien sûr, l’importance de la participation, aussi bien au premier qu’au second tour. Ensuite, une fois acquis les résultats du premier tour, il faut souligner la dynamique dont a bénéficié le candidat arrivé en tête au premier tour. Au fond, ces deux éléments traduisent la même chose : le désir croissant des couches populaires de se débarrasser de Nicolas Sarkozy et leur mobilisation pour en trouver les moyens. Et, dans les rapports de forces actuels, encore marqués par l’échec des mouvements de l’automne 2010 contre la réforme des retraites, sans doute le Parti socialiste apparaît-il comme le moyen efficace pour y parvenir. Et, au sein du PS, Hollande apparaît comme le candidat le plus à même de battre Sarkozy.
Comment expliquer sinon l’engouement pour une compétition où les différents protagonistes (au moins les deux principaux) se réclamaient d’un même programme, le projet socialiste, adopté à la quasi-unanimité ? Bien sûr, le succès au premier tour d’Arnaud Montebourg témoigne de la persistance d’une couche significative de militantEs et de sympathisantEs socialistes – et, plus largement, de gauche – qui souhaite un « infléchissement à gauche » de l’orientation du PS. Mais sans en faire, en aucune manière, une condition de leur vote : une fois exprimée cette préférence, au second tour de la primaire, les électeurs de Montebourg se sont répartis sans drame entre Hollande et Aubry, vraisemblablement de manière à peu près conforme à celle des autres votants. Au premier tour, Montebourg lui-même a occupé, avec quelque réussite, le créneau du candidat « antisystème ». Dans un registre assez modéré, quand même : seul Jean-François Copé a fait mine de s’effrayer de la « démondialisation » ! Et puis, histoire d’être sur la photo à côté du vainqueur, Montebourg s’est rallié sans condition à Hollande, le candidat du retour à l’équilibre budgétaire. Premières désillusionsDimanche soir, tout à l’euphorie de sa désignation, François Hollande a affirmé vouloir « offrir à la jeunesse une vie meilleure que la nôtre » – qui est contre ? – afin de conclure : « c’est le rêve français que je veux réenchanter ». Au vu du projet du PS et des positions particulières de son candidat… ce n’est pas gagné ! Un exemple parmi d’autres : poussé dans ses retranchements par Aubry et ses partisans, Hollande avait fini par concéder son accord pour le retour de l’âge de la retraite à 60 ans, posture assez formelle vu qu’aucun des dirigeants socialistes ne propose de revenir sur le nombre d’annuités. Mais, c’était encore trop audacieux ! Ainsi, Pascal Terrasse, conseiller de Hollande sur la question des retraites, a vendu la mèche, hors micros naturellement : « je ne pense pas honnêtement qu’on reviendra sur la borne d’âge. La vérité c’est qu’il faut qu’on aille à 65 ans sur la borne d’âge, pour arriver à trouver un équilibre financier compte tenu des enjeux démographiques lourds. » On est prévenu !
Une fois dissipés les échos des débats de la primaire, on en revient au noyau dur du projet social-libéral : sous prétexte d’attitude « responsable », on refuse de s’en prendre aux multinationales et aux institutions financières et il ne reste plus qu’à faire payer la crise aux couches populaires. C’est d’ailleurs ce que les socialistes ont fait au Portugal et continuent à faire, en Espagne comme en Grèce. Alors, pour les anticapitalistes, l’enjeu 2012 est double. Mobiliser pour chasser Sarkozy, bien sûr. Mais, d’abord, éviter que le débat public ne soit confisqué par les tenants des politiques d’austérité, qu’ils se réclament de la droite… ou de la gauche libérale.
François Coustal