Les commentateurs sont surpris que l’on veuille supprimer la fonction présidentielle, mais aucun ne peut imaginer ce que serait une vraie démocratie.Les journalistes s’étonnent que Philippe Poutou ait ironisé sur le fait qu’il s’autodissoudrait s’il était élu, en supprimant la présidence de la République. Qu’il affirme : « aujourd’hui, qu’une personne puisse avoir autant de pouvoir, c’est anormal et anachronique » choque ces esprits dressés à défendre l’ordre établi. Que l’on puisse imaginer une véritable démocratie directe, par en bas, les choque tout autant que le fait qu’un simple ouvrier soit candidat à l’élection présidentielle. La routine des rapports de domination, le conformisme dirigent leurs esprits, ils sont un rouage de cette énorme machine médiatico-politique qui prétend façonner l’opinion, l’enfermer dans le cadre des rapports sociaux établis. Que l’on puisse imaginer autre chose, que l’on évoque la possibilité que l’aberration de la propriété privée des moyens de production, d’échange soit dépassée au regard du développement technique et économique, au mieux les amuse.
L’imagination de l’UMP ou du PS ne va pas plus loin. Envisager d’introduire dans les élections législatives une dose de proportionnelle ressemble à une révolution !
Sarkozy, dans sa Lettre aux Français, s’y engage « pour que tous les grands courants politiques puissent avoir des représentants » dit-il. Une promesse pour dans cinq ans, déjà faite en 2007 !
Hollande, quant à lui, se prétend « favorable à l’élection d’un cinquième de l’Assemblée nationale à la proportionnelle ». Une audace bien prudente cependant puisque Hollande aura besoin d’un référendum pour se décider. En fait, il est surtout soucieux de capter l’électorat des Verts et de reprendre la proposition d’un référendum de Bayrou le champion de « la moralisation de la vie politique »...
Mais les uns et les autres sont épouvantés à la simple idée de la proportionnelle intégrale ou à l’idée de remettre en cause l’élection du président de la République au suffrage universel voulu par De Gaulle pour imposer l’ordre et la stabilité des institutions, pour enfermer la démocratie dans un carcan. Mitterrand en son temps parlait de coup d’État auquel il s’est cependant plié tout en y pliant ses partenaires.
Il ne peut y avoir de changement sans rompre ce carcan pour ouvrir le chemin d’une réelle démocratie. « Prenez le pouvoir, votez ! » nous dit le Front de Gauche en illustration de la révolution citoyenne. Voter permet d’utiliser son bulletin pour peser au niveau des rapports de forces politiques, certes et c’est utile, mais nullement de changer réellement les choses.
La question de la démocratie est indissociable de la question sociale. D’un double point de vue. La démocratie est un vain mot quand les finances de l’État sont entre les mains des banques privées qui lui dictent ainsi sa politique. Ensuite, il n’est pas possible de changer un tel état de fait sans bousculer la routine des rapports de domination, sans bousculer le jeu institutionnel par l’intervention directe des travailleurs, de la population, sans que celle-ci s’organise pour débattre, décider, se donner les moyens de contrôler et de révoquer, si nécessaire, ses représentants. Nos réponses à la crise, le bouclier social, resteraient un vœu pieux si, par son organisation, sa mobilisation politique, le monde du travail n’imposait pas son propre gouvernement, un gouvernement démocratique et populaire instituant une démocratie directe donnant le droit et les moyens à la population de contrôler et de décider.
Prenons le pouvoir, oui, en faisant de la politique, dès maintenant, sur les lieux de travail, les quartiers, organisons-nous pour agir collectivement, faire entendre nos exigences, les imposer.
Et, sans attendre, faisons de notre bulletin de vote un geste de contestation de leur démocratie truquée, votez pour l’ouvrier candidat, votez Philippe Poutou.
Yvan Lemaitre