Il y a quelques jours, La France insoumise présentait la nouvelle version de son programme « l’Avenir en commun », confirmant ainsi que les Insoumis se préparent à une amplification de la crise et une possible présidentielle anticipée.
Sans surprise, c’est Jean-Luc Mélenchon qui a introduit mardi 28 janvier la conférence de presse présentant la nouvelle mouture du programme insoumis. Façon de montrer à touTEs que cette mise à jour s’inscrit dans le cadre de la préparation de la campagne présidentielle… du candidat Mélenchon. « Montrer que nous sommes prêts », a-t-il insisté. Si LFI a raison d’anticiper tous les scénarios (jusqu’à un départ anticipé de Macron), la première limite est d’ancrer l’issue de cette crise de régime, de cette faillite démocratique dans laquelle l’extrême droite va aussi chercher à s’engouffrer, sur le seul terrain institutionnel, avec les urnes comme quasi-unique débouché.
De l’Union populaire à la Nouvelle France
Sur le fond, le « nouveau » programme balaye 831 mesures (143 de plus qu’en 2022) autour de quatre chapitres : faire la révolution citoyenne ; l’harmonie des êtres humains entre eux ; l’harmonie des êtres humains avec la nature ; ordonner le monde. Un enrichissement s’appuyant sur l’activité parlementaire de ces dernières années, de l’élaboration au sein de l’Institut La Boétie ainsi que des groupes et livrets thématiques de LFI.
Autour du thème de « La nouvelle France »(qui succède donc au mot d’ordre précédent de l’« Union populaire »), on retrouve des éléments programmatiques pour une gauche rompant avec les canons du libéralisme : planification écologique, relance des services publics, mesures pour lutter contre la pauvreté et l’accumulation indécente des ultra-riches, défense d’une économie au service des besoins sociaux, instauration de la 6e République (Assemblée constituante), défense des libertés, lutte résolue contre l’extrême droite, avec en focus des mesures contre la concentration capitalistique des médias ou en faveur de la régulation de l’espace numérique mondial…
La « Révolution citoyenne » comme horizon stratégique
Autant de mesures politiques qui sont des points d’appui pour tracer les contours d’une rupture sociale et démocratique, mais qui pour l’essentiel ne pourraient être mises en application que dans le cadre d’un bras de fer important avec les classes dominantes. Pour le coup, la limite de l’exercice est donc bien dans ce que « L’Avenir en commun » ne dit pas.
Dans sa présentation du 28 janvier, Jean-Luc Mélenchon évacue la question stratégique : « le cœur de la méthode du mouvement insoumis c’est la révolution citoyenne, [...] une révolution par les urnes », se vantant même qu’avec la motion de censure contre Barnier, « c’est la première fois qu’une formation de gauche radicale parvient à renverser un gouvernement de droite sans tirer un seul coup de fusil et sans monter un mètre de barricade ».
Mélenchon et LFI ne tirent pas les leçons des expériences du mouvement ouvrier. À l’heure en particulier de la finance autoritaire et d’une fuite en avant dont on ne connaît pas l’issue, les classes dirigeantes ne laisseront pas mettre en œuvre des mesures remettant un tant soit peu en cause leur pouvoir à décider de nos vies et à nous faire payer la crise multidimensionnelle de son système. Aussi, comment penser appliquer une politique de rupture sans s’appuyer sur la mobilisation la plus massive de notre camp social, sans peser collectivement pour se hisser au rapport de forces nécessaire ?
Contre Macron au service du Medef, la droite et l’extrême droite, la construction dans l’unité d’un front de la gauche sociale et politique au service des luttes de notre camp reste le moyen d’imposer un programme de rupture qui par définition ne peut être enfermé dans les institutions actuelles. Dans la gauche radicale, le débat doit continuer.
Manu Bichindaritz