Depuis bientôt 10 semaines, le mouvement des Gilets jaunes a fait irruption sur la scène politique et sociale. Cette mobilisation inédite interroge le champ politique, en particulier la gauche. Cette dernière est divisée entre ceux qui foncent tête baissée et ceux qui sont plus distants, mais les uns et les autres se retrouvent pour proposer des perspectives exclusivement institutionnelles.
Après quelques hésitations, toutes les organisations de gauche sont aujourd’hui officiellement des soutiens aux Gilets jaunes et à leurs revendications sur la question de la répartition des richesses, l’injustice fiscale ou encore la question démocratique. Mais tous à gauche n’ont pas la même stratégie, et expriment une division… de leadership.
Opportunisme ?
Très rapidement, La France insoumise (FI) a mis toutes ses forces dans le mouvement des Gilets jaunes, mouvement considéré comme une « révolution citoyenne », un mouvement « pré-révolutionnaire ». Mouvement dont « la quasi-totalité des revendications listées recoupent les propositions du programme de La France insoumise, L’Avenir en commun », selon Mélenchon sur son blog le 30 novembre 2018. Lui faisant dire ainsi le 8 décembre à la convention de la FI à Bordeaux : « Les Gilets jaunes, c’est nous ! » C’est en ce sens que, partout sur le territoire, des militantes et militants, et également les députéEs FI, sont présentEs sur les ronds-points, dans les assemblées générales et les manifestations.
Un mouvement qui, à quelques mois des élections européennes, tombe bien pour la FI, notamment après « l’affaire des perquisitions » qui avait mis du plomb dans l’aile au mouvement et à son leader. La FI se dissout dans un mouvement protéiforme, en s’y adaptant et en mettant en avant la revendication du RIC, se cantonne à des perspectives institutionnelles (dissolution de l’Assemblée) et avance dans une proposition de débouché politique au mouvement, en défendant une forme de nouveau front populaire. Mais tout cela est fait sans s’engager dans la construction d’un rapport de forces réel avec le pouvoir, une mobilisation de masse.
À distance
Quant au PCF, qui se remet de ses péripéties internes suite à son congrès, il accompagne verbalement le mouvement mais maintient une certaine distance avec lui car, selon Ian Brossat : « Il y a des choses formidables : le retour de la question du pouvoir d’achat, de la question salariale, de la démocratie participative… Cela dit, il faut avoir le courage de dire qu’il y a aussi des contradictions, qu’on n’aime pas tout. C’est le rôle de la gauche politique de faire ce travail de mettre en place des repères et des garde-fous. » Ce qui permet au PCF de ne pas appeler aux manifestations du samedi, ni à l’extension de la mobilisation et de la construction des convergences. Et tout comme la FI, le PCF articule l’essentiel de son discours public autour de réponses institutionnelles : RIC et appels du pied aux GJ pour que certainEs d’entre elles et eux figurent sur la liste du PCF aux européennes.
Du côté de Génération.s enfin, Benoît Hamon semble plus préoccupé de casser du Mélenchon que du Macron, au risque d’être totalement inaudible. Mais soyons rassurés , Hamon est « en connexion directe avec ce qui se passe » car « il y a plein d’endroits où des gens de Génération·s ont des gilets jaunes ». Ouf !
On le voit, face à un mouvement inédit comme celui des Gilets jaunes, à gauche(s) les bonnes (?) vieilles recettes institutionnelles sont toujours d’actualité. Pour notre part, notre priorité est d’unifier la mobilisation, la défense de la nécessité d’une grève générale pour changer le rapport de forces, imposer de nouvelles politiques pour les salaires, les services publics, la démocratie, l’écologie.
Joséphine Simplon