En salle depuis le 5 novembre 2025
«Je fais partie d’un collectif, il compte sur moi. » C’est ainsi que Karine (Virginie Efira) répond à son mari (Arieh Worthalter) lorsque celui-ci lui demande de ne pas se rendre à Paris pour une manifestation des Gilets jaunes. Depuis plusieurs mois, Karine, ouvrière dans une usine alimentaire, s’investit avec passion dans la lutte des Gilets jaunes. Un investissement qui agace son mari et que ses enfants ont un peu de mal à comprendre.
Si le réalisateur prend en toile de fond la mobilisation populaire qui a secoué le pouvoir entre 2018 et 2019, Les braises est moins un film sur la mobilisation elle-même que sur le militantisme et les raisons qui le motivent. À mesure que Karine découvre le militantisme, ses joies et ses peines, elle voit son entourage familial s’éloigner. Sobre, la mise en scène file les métaphores : Karine construit la mobilisation et rénove sa maison ; des courses avec ses enfants deviennent à l’occasion une assemblée générale sur la révolution et les enjeux de la lutte ; les discours décrédibilisant le mouvement passent en fond sur un poste de radio, alors que son mari tente de lui faire comprendre que la mobilisation n’a pas d’avenir. La cellule familiale devient l’écho de la mobilisation collective à laquelle Karine prend part.
Alors que le mouvement s’essouffle et que sa famille lui est plus éloignée que jamais, Karine continue de souffler sur les braises : elle s’efforce de convaincre son collectif de monter à Paris et « on est ensemble, on dort ensemble », dit-elle à son mari, qui, fatigué par le militantisme de sa femme, préfère aller dormir dans la cabine de son camion.
Et pourtant, plus Karine s’investit, plus elle est seule. D’abord filmée dans des plans larges lors de scènes familiales ou de rassemblements, Karine est de plus en plus seule à l’écran : dans les pièces sombres de sa maison, dans la voiture de ses camarades ou dans un bus qui l’emmène en garde à vue.
En faisant le choix de l’intime, le film raconte avec justesse les injustices de la vie militante. En cela, le film est assez triste. Karine reconnaît ses privilèges mais se mobilise pour les autres, pour sa famille, « pour nous » dira-t-elle à son mari, mais ses espoirs et son idéalisme se fracassent sur les matraques, les remarques désobligeantes de sa famille et le silence de son mari. Pourtant, Karine continue d’y croire et ne lâche pas. Comme nous. Sept ans après cette vague de résistance populaire, alors que Macron est toujours à l’Élysée et que la police réprime toujours plus, nous sommes des milliers à continuer de lutter et à ne rien lâcher. Les braises est un bon moyen de s’en souvenir.
Nico Dix