En cette veille de premier tour des présidentielles, les sondages sont supposés fournir des indicateurs du « vote utile », les autres votes étant supposés ne servir à rien. C’est donc le moment de rappeler ce qu’écrivait notre camarade Daniel Bensaïd dans un texte de 1998...
« Il ne s’agit pas cette fois d’un simple "malaise dans la représentation", ni d’une crise institutionnelle franco-française ordinaire ni même d’une possible crise européenne. Il s’agit d’un enchaînement, d’un emboîtement de crises qui se combinent dans un grand remue-ménage planétaire. (...) Les conditions de sortie de cette crise ne sont pas purement économiques. Ce qui est à l’ordre du jour, c’est un redécoupage à grande échelle des espaces de production et d’échange, une redéfinition des modes de travail et des rapports entre les classes, des règles du droit et des hiérarchies de domination. Ce genre de mutation ne s’est jamais fait à l’amiable, sur le tapis vert, sans convulsions ni conflits. (…). Les victoires électorales et les joutes parlementaires ont leur importance. Elles peuvent être décisives, dans la mesure où elles ouvrent des opportunités, présentent de nouveaux choix et de nouvelles orientations. Mais elles restent à la surface des choses. Ce sont des vagues, des plis, des frémissements, derrière lesquels rugit la houle d’une tout autre crise d’un changement d’époque, lourd des pires dangers.(...) ….la gauche ne se réduit pas à la gauche parlementaire, aux déraisons de sa raison économique, à la république crispée sur son passé. Il y a aussi la gauche rebelle qui bouge, qui manifeste, qui occupe, qui lutte "tous ensemble". La gauche d’en bas, la gauche de dessous, la gauche profonde qui résiste, qui ne plie ni ne se rend. Il y a toujours ce tissu, cette mémoire, cette histoire populaire dont est tissée la gauche.
Il y a toujours leur gauche et la nôtre. »