L’émission Complément d’enquête, le 9 mai dernier sur France 2 dont le thème était « Présidentielle : la tentation de l’extrême droite » ne manquait pas d’intérêt. Mais là où le bât blesse, c’est lorsqu’il s’agit de faire le portrait de Marine Le Pen. Les reportages où figuraient les UMPistes et Claude Guéant ainsi que l’interview de Jean-François Copé illustraient parfaitement « la stratégie de cooptation des thèmes sans collaboration », décrite par Florence Haegel1, et ses dynamiques induites2.
La mise « au banc d’essai » des militants et le « folklore » de certains candidats frontistes (Gabriac, Durand-Decaudin…) éclairaient la xénophobie, le racisme et l’antisémitisme virulents qui s’expriment dans les rangs du FN (mettre les Arabes dans des camps, rallumer les fours…) par des propos ou des postures peu éloignés de ceux de certains militants skinheads et néonazis d’un quatrième reportage. Soulignant d’autant plus le double langage des cadres frontistes (il ne faut pas dire « il y a trop d’immigrés en France », mais « nous sommes opposés à l’immigration clandestine et régulière car la France n’a plus les moyens de les entretenir »). Ce que l’on retient, c’est que Marine Le Pen allait faire le ménage. Mouais.
Lorsqu’il s’agit de présenter la présidente du Front national, on change de registre. On veut nous montrer « sa vie, sa famille, ses souffrances » plutôt que son parcours politique, ses amitiés et ses soutiens, ses positions politiques, ses réseaux. Comme un copié-collé de son autobiographie, rééditée récemment, le reportage nous assigne d’emblée à l’empathie vis-à-vis de cette fillette de 8 ans, victime de l’attentat contre le domicile familial (l’attentat n’a jamais été revendiqué ni l’affaire élucidée, mais comme pour François Duprat, il n’est pas absurde d’émettre l’hypothèse d’un règlement de comptes entre factions d’extrême droite) ou encore de l’adolescente subissant le départ médiatique de sa mère (l’ex-dirigeant frontiste Lorrain de Saint-Affrique nous rappelle néanmoins l’attitude de la benjamine Le Pen au lendemain de la parution, en 1984, de Libération qui titrait Torturé par Le Pen).
Pas un mot sur sa présidence d’honneur au Cercle national des étudiants de Paris, pseudopode étudiant du FN qui visait à « démarxiser » l’université avec le soutien du GUD de l’époque. Rien sur l’amitié nouée avec ceux qui produisent aujourd’hui la propagande du FN (Chatillon, Mahé…) et gardent le contact avec les franges radicales de l’extrême droite. Rien sur ses soutiens internes néofascistes (Maillard, Bouchet père et fils) qui se sont vu affecter à des postes d’encadrement (Loire-Atlantique, FNJ).
Encore rien sur sa volonté de supprimer le droit du sol, de dérembourser l’IVG, sur le partenariat frontiste avec le Jobbik hongrois (voir Tout est à nous ! n°100) ou sur son interview à Haaretz : « Êtes-vous prête, aujourd’hui, à dénoncer le régime du maréchal Philippe Pétain et les crimes du fascisme français ? - Absolument pas ! » Pénible. Quelques heures avant la diffusion de l’émission, Marine Le Pen annule sa participation refusant « qu’on associe le terme ‘extrême droite’ au Front national dans la mesure où cela assimile son parti à des mouvances politiques avec lesquelles elle n’entretient aucun rapport ». Rigolade !
Gabriel Gérard1. La Revue socialiste, n°41.2. Le week-end dernier, à Besançon, c’est aux cris de « y en a marre des bougnoules » que la secrétaire d‘État à la Jeunesse, Jeannette Bougrab, a été prise à partie par un militant UMP soutenu par un bon tiers des 150 participants à la formation régionale UMP.