La décision de la direction du PCF de soutenir Jean-Luc Mélenchon pour les présidentielles ne fait pas l’unanimité au sein du Front de gauche.Que Jean-Luc Mélenchon soit candidat à la candidature pour l’élection présidentielle de 2012 n’est pas exactement un scoop. C’est une idée dont un plan médiatique offensif a permis de renforcer la crédibilité dans l’opinion. La nouveauté, que nous évoquions brièvement dans les colonnes de Tout est à nous ! la semaine dernière, réside dans le fait que la direction du PCF aurait décidé de soutenir cette candidature, qui deviendrait donc celle du Front de gauche en sautant la case des primaires. À cette étape, les formules demeurent prudentes, et Mélenchon l’est tout autant, qui prend acte sur son blog de « la décision prise par les communistes de proposer un candidat commun du Front de gauche à l’élection présidentielle, en liant cette campagne à celle des législatives ».On peut s’interroger sur la situation d’un PCF dont la direction ne pense pas être en mesure de proposer un candidat à l’élection présidentielle. C’est le reflet des difficultés d’un parti pris en tenailles : le Front de gauche lui permet de reprendre son souffle, mais la bataille engagée par Mélenchon pour lui disputer l’hégémonie sur le champ politique qui était encore le sien précipite sa crise. Cela dit, les données sont celles-là depuis la création du Front de gauche, et en cela, la décision présumée de la direction du PCF n’est guère surprenante. Il fallait toutefois convenir des conditions politiques d’un tel accord. L’une est fort prosaïque, mais déterminante, puisqu’il s’agit de la répartition des élus potentiels aux élections, cantonales d’abord, législatives ensuite. Le co-président du PG n’en fait pas mystère. Dans ses vœux pour 2011, il explique pourquoi il considère que le candidat du Front de gauche doit être issu du PG : c’est en réalité la seule « occasion de manifester » la « diversité » de ce rassemblement puisque « il y aura 90 % de candidats communistes » aux cantonales de mars prochain et « 70 à 75 % » aux législatives de 2012. La seconde tient à la stratégie générale du Front de gauche vis-à-vis du PS. La première condition, à savoir la préservation du maximum d’élus du PCF, dépend de la préservation du lien au PS… Le texte proposé par le Conseil national du PCF évoque l’objectif d’une « majorité de gauche », Pierre Laurent indique qu’il s’agit de faire une majorité avec le PS. Il faut donc tempérer les ardeurs de Mélenchon, qui, tout en n’ayant pas le même rapport de dépendance vis-à-vis du PS, n’a d’autre choix, pour maintenir le Front de gauche, que de continuer à entretenir l’ambiguïté, notamment sur la participation à un gouvernement avec les socialistes.Une position ambiguëCela étant, cet accord, vraisemblablement conclu au sommet, est nécessairement instable, pour au moins trois raisons de natures différentes. D’abord, nul ne peut prédire la réaction des militantes et militants communistes, à qui l’on demande de se ranger derrière un ancien proche de François Mitterrand, qui assume ouvertement son héritage et a passé sa vie dans le système dont il conteste aujourd’hui la dimension médiatique. Faute d’avoir obtenu l’onction de la direction, André Chassaigne pourrait fédérer les mécontents. Ensuite, l’ambiguïté risque d’être difficile à maintenir. En effet, il faudra bien répondre à la question de la participation à un gouvernement et une majorité avec les socialistes, quand elle sera posée concrètement. Une fois le candidat PS déclaré et la campagne sur les rails, la possibilité de poser des conditions au PS va singulièrement s’affaiblir. Nul besoin d’être très radical pour considérer par exemple qu’il est peu vraisemblable que DSK remette en cause le traité de Lisbonne… Enfin, la situation peut être modifiée par l’irruption de la « gauche sociale » mobilisée à l’automne sur le terrain politique. La colère, le refus de payer la crise, la volonté d’affronter le gouvernement, qui se sont exprimés dans le puissant mouvement social de l’automne doit trouver sa traduction politique. Du point de vue du NPA, c’est la question du rassemblement des anticapitalistes qui est posée, afin de combiner, dans les mobilisations et les élections, unité et indépendance.Ingrid Hayes