Lors du débat au Parlement européen qui a suivi le Brexit, Jean-Luc Mélenchon s’est autorisé une nouvelle sortie ouvrant la voie à une nouvelle polémique...
Une polémique certes passée au second plan après le massacre de Nice et le coup d’État manqué en Turquie, mais qui (re)pose la question des positionnements du JLM 2017.
Dérapage ou système ?
Dans ce discours, Mélenchon condamnait « une Europe de la violence sociale, comme nous le voyons dans chaque pays chaque fois qu’arrive un travailleur détaché, qui vole son pain aux travailleurs qui se trouvent sur place ». Une « actualisation » nauséabonde du célèbre sketch de Fernand Raynaud : « J’suis pas un imbécile puisque j’suis douanier. J’aime pas les étrangers, ils viennent manger l’pain des Français... ». Devant la reprise et la critique de sa sortie par les médias, Mélenchon s’est placé dans une posture qu’il affectionne : la victime des médias, du journal le Monde, « relais de divers groupes connus pour leurs opinions parfois très discutables. Le même journal et la meute... » Chacun trouvera sa place.
Dans un premier temps, il défend l’expression qui, selon lui, « décrit très bien la compétition entre les travailleurs détachés et les travailleurs locaux ». Quant à « voler le pain », il juge que c’est « une expression très classique qui n’est pas connotée. (…) Ce sont les mots adaptés à la situation... » Puis, devant le développement de la polémique et parce que « Des amis sont troublés. (…) Il va de soi que je ne retire rien. (…) J’y ajoute des guillemets. Mettez des guillemets autour des mots sur le pain que je prononce. (…) À l’oral, on n’entend pas les guillemets. »
Sauf que dans la foulée de sa sortie sur Twitter au soir de la finale de l’Euro-foot France-Portugal (« Ce soir, c’est juste du foot. Rien à voir avec France-Allemagne »), ce nouveau « dérapage » s’inscrit dans une double logique, où la volonté du coup médiatique le dispute au nationalisme fortement teinté d’anti-germanisme déjà largement étalé dans son livre le Hareng de Bismarck (le poison allemand).
« Un instant de philosophie pratique »
C’est ce qu’écrit Mélenchon sur Facebook le 14 juillet. Se défendant vertement de toute dérive chauvine, Mélenchon s’engage sur une autre fausse piste autour de la responsabilité individuelle, dénonçant ceux qui « voudraient que nul n’ait jamais de responsabilité personnelle dans l’histoire. Tous seraient victimes du capitalisme et cela absoudrait en permanence de toutes turpitudes dont ils seraient participants. Ce n’est pas ma manière de voir. À mes yeux, le principe de responsabilité personnelle est engagé en permanence. Personne n’est obligé de faire le métier de bourreau. C’est un choix personnel et peu importe ses raisons. (…) Sans la résistance personnelle et individuelle aux actes mauvais que l’on est invité à commettre, quel qu’en soit la nature, l’injustice continue son chemin sur notre dos ».
Les travailleurs détachés seraient-ils responsables ou complices de l’exploitation par les patrons qui profitent de la disparité des systèmes sociaux en Europe ? Encore une mauvaise querelle ? Mélenchon s’est fait une spécialité des déclarations provocatrices trop vite qualifiées de dérapages mais qui font système, tout en combinant un « fond » pouvant répondre au pire des attentes « populaires » en matière de concurrence entre salariéEs, de chauvinisme, de sécuritaire.
Au total, la construction d’un personnage dont l’éthique est bien éloignée de la nôtre, des valeurs que nous défendons. Celles et ceux que nous côtoyons dans les mobilisations et qui soutiennent ou envisagent de soutenir la campagne JLM 2017 ne peuvent continuer à excuser, pour quelque raison que ce soit, des orientations qui ne sont pas des dérapages mal contrôlés.
Robert Pelletier