Hollande candidat promettait unerenégociation du « traité d’austérité » (sic). Hollande président s’apprête à le faire passer en force et à l’appliquer dans toute sa brutalité.
Le premier point clé du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), ou « pacte budgétaire » est la fameuse règle d’orqui impose un « budget général […] équilibré ou en excédent ». Autrement dit, le déficit structurel – c’est-à-dire hors éléments exceptionnels et service de la dette – ne doit pas dépasser 0,5 % du PIB. En 2010, ramener le déficit structurel de la France, qui était de 5 % du PIB, à 0,5 % aurait supposé une économie de près de 87 milliards d’euros !
Le traité impose aux États de prévoir un mécanisme de correction déclenché automatiquement en cas de dérapage important par rapport à l’objectif. Il envisage en outre des sanctions quasi automatiques pour les déficits jugés excessifs et la possibilité pour un ou plusieurs États de porter plainte auprès de la Cour de justice européenne contre un pays fautif de ne pas infliger suffisamment de restrictions à sa population. Un pays qui n’aura pas ratifié le pacte budgétaire ne pourra pas avoir accès aux fonds du Mécanisme européen de stabilité (MES) entré en vigueur le 1er juillet. Tout prêt est directement conditionné au TSCG et à sa règle d’or. Il peut aussi être assorti d’un programme d’ajustement macroéconomique, qui rappelle tristement les plans d’ajustement structurel imposés par le FMI aux pays du Sud. C’est précisément le FMI lui-même qui exercera le contrôle ! Celui qui parle le mieux des conditions de l’intervention du MES, c’est Jean-Claude Trichet (ex-président de la Banque centrale européenne de 2003 à 2011) : « Si un pays n’applique pas suffisamment les accords, alors les autorités européennes doivent pouvoir prendre le pouvoir dans ce pays ». Il n’y a pas eu de renégociation, les 120 milliards du Plan de relance européen consistent pour moitié en un « redéploiement » de fonds déjà programmés pour être dépensés d’ici 2014, et, surtout, ils ne changent rien sur le fond. On peut l’appeler Merkhollande, c’est le même traité que version Merkozy !
Hollande refuse de soumettre la ratification du Traité à un large débat public. Le Conseil constitutionnel l’aide en affirmant que « l’autorisation de ratifier le traité ne devra pas être précédée d’une révision de la Constitution ». Le texte précise pourtant que la règle d’or devra être intégrée« par le biais de dispositions contraignantes et permanentes, de préférence au niveau constitutionnel », le Conseil constitutionnel s’en moque, il fait d’abord de la politique. Pas de révision de la Constitution, donc ni convocation du Congrès ni référendum. L’affaire peut être conclue illico presto ! Le traité sera simplement soumis à l’Assemblée nationale et au Sénat début octobre en même temps que la loi organique visant à traduire le traité dans les finances publiques, la déclaration de politique européenne du gouvernement Ayrault et… un texte sur ses objectifs de réduction des déficits publics à 3 % fin 2013 et à l’équilibre en 2017 – le collectif budgétaire voté par le PS, EÉLV mais aussi le Front de Gauche en juillet visait déjà une réduction du déficit à 4,5 % du PIB fin 2012.
L’austérité avance à marche forcée !
Concernant la ratification du traité, les parlementaires d’Europe Écologie- Les Verts et même une partie de ceux du PS menacent de ne pas la voter, le Front de Gauche votera contre et réclame un référendum. Le gouvernement s’apprête à imposer le TSCG grâce à une majorité avec la droite.
Toutes les forces qui, en 2005, ont construit le « Non de gauche au TCE » doivent se retrouver pour faire barrage au TSCG. Les délais sont courts, mais les points d’appui existent : cadres unitaires – national et locaux – contre la dette, appel lancé par Copernic et Attac« Non au Pacte budgétaire européen, oui au référendum », appel à manifester du Front de Gauche…, même la CES a pris position contre le traité. Une véritable mobilisation unitaire de l’ensemble de la gauche politique et sociale contre le traité et contre l’austérité est à l’ordre du jour. L’enjeu ? Dans l’immédiat, ne pas laisser Hollande faire passer son traité tranquillement, et occuper la rue au moment où députés et sénateurs prétendront voter en notre nom. Au-delà, prendre enfin ensemble le chemin de la contre-offensive, de la construction d’une opposition à gauche à ce gouvernement.
Une autre Europe est nécessaire et urgente : elle passe par le rejet du TSCG et par des mouvements sociaux et politiques capables d’imposer des mesures anticapitalistes, le partage des richesse et du temps de travail, l’annulation de la dette, la réquisition des banques dans un service public. Parce que la crise est à cette échelle, c’est à l’échelle européenne que se situe la seule réponse possible, pas dans le repli nationaliste, car sur ce terrain c’est toujours l’original de droite ou d’extrême droite qui emporte la mise.Christine Poupin