Depuis le début du mouvement des Gilets jaunes, les éditorialistes et penseurs aux ordres y vont tous de leurs petits avis et commentaires éclairés sur la mobilisation. Entre mépris de classe et surenchères dégueulasses, petit florilège.
Puisqu’il faut bien commencer par l’un d’entre eux, choisissons celui qui est sans nul doute le meilleur d’entre tous, l’ineffable Christophe Barbier, qui sait comment éteindre la contestation sociale. Sur le plateau de C dans l’air, table d’hôte pour analystes tout-terrain ouverte six jours sur sept, Barbier peut asséner avec beaucoup d’aplomb sa pensée profonde : « Moi je pense qu’il y aurait quelque chose de très populaire à faire, c’est de supprimer la redevance télé, et ça beaucoup de gilets jaunes sont des gens qui regardent la télé, parce qu’ils n’ont pas beaucoup d’autres distractions dans la vie. » Quand la bêtise le dispute au mépris...
Dans un registre plus politique (!), un autre vieil habitué des plateaux, Jean-Michel Aphatie, nous livrait mardi matin sa petite analyse (qui ne connaît pas la crise) : « Nous n’avons aucun interlocuteur crédible pour représenter un mouvement qui génère une violence immense et qui menace la nation. […] C’est une forme d’irresponsabilité politique que nous n’avons jamais connue. » Outre que l’on est en droit de s’interroger sur le statut bien curieux de ce « nous » en recherche d’interlocuteur, cette approche nuancée finit par délivrer sa vision profonde et puissante sur le mouvement des Gilets jaunes : « Un vaste bazar où l’on trouve de tout et son contraire. […] C’est de la foutaise de penser que ce mouvement est anti-inégalitaire ».
Enfin, quand il s’agit d’en rajouter, souvent dans l’ignominie, BHL n’est pas en reste. Samedi, il tweetait à l’attention des manifestantEs en gilet jaune révoltés par l’usage systématique des bombes lacrymo des forces de l’ordre : « "On a été gazés", répètent, en boucle, sur toutes les chaînes, les gilets jaunes... Savent-ils ce que "gazé" veut dire ? » Et, pour qui n’aurait pas compris, de rajouter le lendemain : « À l’attention des hypocrites qui font semblant de ne pas comprendre, je persiste et signe : "être gazé" à Verdun ou en Syrie, à la Ghouta (pour ne pas parler de Birkenau) n’a rien à voir avec les lacrymogènes d’aujourd’hui. » Une polémique ignoble, certainement à la hauteur du désarroi des classes dirigeantes et de leurs chiens de garde face à un mouvement qu’ils n’arrivent pas à éteindre.
Manu Bichindaritz