Publié le Mercredi 22 avril 2020 à 13h56.

Philippe Poutou répond à ceux qui remercient le « peuple qui aime le travail »

Le gouvernement en fait des tonnes sur les remerciements faits aux soignants d’abord puis aux éboueurs ou aux livreurs et finalement à toutes celles et ceux qui vont reprendre le travail dans les prochains jours.

Comme s’ils découvraient que ce sont les travailleurs et non pas les actionnaires ou les banquiers qui font tourner la société. Et pas seulement pendant une crise sanitaire. C’est bien tous les jours que des millions de salariéEs vont bosser et s’abîment même la santé au travail. 

Certes aujourd’hui les soignants et d’autres métiers comme les caissières, les vigiles, les postiers sont directement en danger rien qu’en embauchant. Mais est-ce bien différent fondamentalement ? Combien de maladies professionnelles, de cancers, d’invalidités, de burnout, de suicides à cause du travail, à cause des politiques patronales qui broient les salariéEs depuis très longtemps ?

De la part du gouvernement ou même des chroniqueurs télé toute cette nouvelle admiration à l’égard du peuple « travailleur » est malsaine et insupportable.

C’est hypocrite et même cynique car derrière leurs hommages il y a comme un soulagement : les riches disent « merci » sachant que ce sont leurs nouveaux « héros » qui vont risquer leur vie de pauvres pour assurer leur sécurité, leur santé et leur bien-être de riches. Classique mépris de classe mais qui prend une nouvelle dimension.

En transformant les travailleurs en héros, en « peuple qui aime le travail », en déclarant qu’ils méritent « la reconnaissance de la nation » (sacré Bruno Le Maire !), cette manipulation a pour objectif de faire oublier ceux qui ne bossent pas justement, ceux des classes ultra riches, des gros actionnaires, de ceux qui se sont gavés ces dernières décennies en exploitant le travail des autres, qui ont profité des politiques ultra-libérales, détruisant les services publics comme celui de la santé, broyant les droits sociaux, ceux qui en fait sont les responsables de l’ampleur de cette catastrophe sanitaire et humaine.

Il est évident que c’est aux grosses fortunes, aux capitalistes rapaces et égoïstes, à eux de payer et qu’ils ont les moyens de le faire sans rien remettre en cause leur niveau de vie. Mais bizarrement les Macron, Le Maire ou Darmanin nous parlent de crise qui va nous coûter cher, insistant lourdement sur les 110 milliards d’euros de budget de crise et ne regardent jamais du côté des banquiers, des financiers, des grosses fortunes. 

Pourtant il y a des indices, des indicateurs économiques qui poussent à regarder dans cette direction. Par exemple, rien que la fortune du plus riche de France (B. Arnaud) c’est un peu plus que les 110 milliards d’euros pour la crise. Alors en prenant dans les caisses des 500 plus riches, n’y aurait-il pas de quoi répondre aux urgences du moment et même pour la suite ?

Un impôt « solidarité » ne serait-il pas possible ? La gravité de la situation ne mérite-t-elle pas des mesures exceptionnelles, comme réquisitionner et reprendre en main des secteurs économiques entiers, les banques, l’industrie pharmaceutique, la recherche ?

Pourquoi toujours penser à faire payer les travailleurs (qu’ils admirent) en leur piquant encore des jours de congés, en menaçant de les faire travailler encore plus, en les condamnant finalement à toujours faire des efforts pendant que d’autres profitent ? 

On comprend que pour un gouvernement incapable de gérer la crise sans dégât, discrédité, fragilisé, c’est tellement plus pratique aujourd’hui de remercier les pauvres qui travaillent et d’enfumer ainsi tout le monde. Mais au bout, la seule véritable solution, à court et à long terme, c’est bien de faire payer les capitalistes, de prendre sur leurs fortunes et au bout de leur enlever le pouvoir de nuire en les dépossédant. C’est radical sans doute, mais si nécessaire !