On se souvient d’Édouard Philippe : ce chef du gouvernement (jusqu’au 3 juillet dernier) qui, pendant trois ans, s’est arc-bouté pour refuser la moindre augmentation de salaire aux personnels de santé et des EPHAD. Eh bien, ce monsieur, pour assister à une dizaine de réunions par an, va toucher de 40 000 à 50 000 euros à partir de l’année prochaine : 20 000 de fixe plus 2 500 euros par réunion. 2 500 euros alors qu’une infirmière d’échelon 1 gagnait (avant les revalorisations insuffisantes du « Ségur ») 1 827 euros brut par mois, soit moins de 1 500 euros net (hors les primes correspondant aux gardes de nuit et de week-end) !
En effet, Édouard Philippe vient de se faire désigner au conseil d’administration du groupe ATOS (services informatiques). Il pourra bien sûr, parallèlement à sa nouvelle activité, continuer à percevoir les indemnités liées à ses mandats politiques, soit 8 400 euros par mois grâce à sa double casquette de maire et de président de la métropole du Havre.
Au-delà du scandale que représente le fait de toucher 2 500 euros pour participer à une réunion, cette nomination est une nouvelle illustration de la symbiose entre les dirigeants politiques et le monde des affaires. Édouard Philippe est loin d’être le seul cas. Et il n’y a pas que des dirigeants de droite : venant de la « gauche » (du PS en fait), il y a entre autres Hubert Védrine (ministre des Affaires étrangères sous Jospin), Jean-Marie Le Guen (personnalité du PS et membre du gouvernement sous Hollande), Fleur Pellerin (également ministre de Hollande).
Pour l’instant, Édouard Philippe joue encore petit bras : d’autres multiplient les mandats d’administrateur avec trois ou quatre postes. Un des champions en la matière est Nicolas Sarkozy qui est multicartes avec l’hôtellerie (le conseil d’administration d’Accor pour 85 000 euros), les casinos (groupe Barrière, également propriétaire du Fouquet’s sur les Champs-Élysées), les médias (groupe Lagardère) et enfin les holdings de Stéphane Courbit (qui est l’un des principaux producteurs télé au monde).
À qui fera-t-on croire que c’est pour leurs extraordinaires capacités que ces politiciens sont courtisés par le business ? Une illustration, entre autres, du fait que l’État est bien l’instrument de la bourgeoisie, non seulement parce qu’il défend les intérêts de la classe dominante mais parce que les relations entre business et politique prospèrent sous diverses formes : participation aux conseils d’administration mais aussi aller-retour entre public et privé de la haute fonction publique (dont Macron, avec son passage dans la banque, est un exemple). L’intérêt général dont ces dirigeants aiment à se gargariser dans leurs discours est le paravent de sordides intérêts pour lesquels les « derniers de cordée » ne sont que des pions.