En une phrase glissée dans sa note de conjoncture de décembre, l’Insee a démoli la propagande gouvernementale : « Au total sur l’année 2018, la combinaison de ces hausses et de ces baisses [de fiscalité] augmenterait les prélèvements obligatoires sur les ménages d’environ 4,5 milliards d’euros, ce qui ôterait 0,3 point à l’évolution du pouvoir d’achat. »
La hausse annoncée du pouvoir d’achat de 5 milliards était donc une « fake news ». Le gouvernement, ulcéré, a aussitôt démenti et sommé l’Insee de se dédire, mais celle-ci a maintenu ses calculs.
Hypothèses farfelues
Les hausses d’impôts (+20,4 milliards pour la CSG, +3 milliards pour les taxes sur l’essence, +4,5 milliards pour les taxes sur le tabac) sont intervenues dès le 1er janvier... alors que les baisses d’impôts interviendront « bizarrement » plus tard dans l’année, comme la baisse de la taxe d’habitation qui ne sera effective qu’en novembre. Autre explication de l’écart : le gouvernement avait minimisé l’impact des recettes fiscales sur le tabac et l’essence, en faisant des hypothèses farfelues sur la baisse de la consommation. L’Insee a répondu que les principes de la comptabilité nationale ne l’autorisaient pas à faire ce genre de manipulations. Pour les amateurs de fake news, le gouvernement a lancé dans la foulée un « simulateur de pouvoir d’achat » : avis aux amateurEs qui ont envie de gober les bobards du gouvernement !
Deux poids, deux mesures
Les mesures fiscales vont donc faire baisser le pouvoir d’achat moyen. Mais tout le monde ne sera pas logé à la même enseigne : le budget 2018 est un « choc fiscal » en faveur des ménages les plus riches et des patrons. En effet, la taxation sur les revenus du capital est massivement baissée pour les grosses fortunes, avec la mise en place du prélèvement forfaitaire unique (« flat tax » de 30%) et la sortie des actifs financiers de l’assiette de l’ISF. Ces deux mesures représentent un gain d’environ 5 milliards concentré sur le 1% le plus riche. En revanche, la hausse des impôts indirects (tabac et essence) est régressive et anti-redistributive : elle va frapper davantage les plus pauvres en proportion de leur revenu.
Officiellement, il s’agit de défendre l’écologie et de préserver la santé, mais bizarrement le gouvernement n’a pas pensé à d’autres mesures comme la taxation des grands groupes industriels pollueurs. Les patrons peuvent aussi se frotter les mains : le Conseil constitutionnel a ordonné à l’État de rembourser les grandes entreprises de la taxe sur les dividendes qu’elles avaient payée. Le gouvernement compensera par une surtaxe temporaire de l’impôt sur les sociétés (IS), mais le gain net sera de 5 milliards pour les grands groupes ! Le taux de l’IS diminuera en outre à 25% en 2022 (contre 33% aujourd’hui), et, dès cette année, il est ramené à 28% pour les bénéfices inférieurs à 500 000 euros.
Macron, c’est Hollande en pire. Après une loi Travail XXL, il a fait un budget en faveur des riches XXL. Seule une mobilisation déterminée de notre camp social pourra stopper cette surenchère de cynisme, d’arrogance, et de brutalité sociale inédites.
Gaston Lefranc